Cycle de conférence « N’ayez pas peur de vous donner » – Mme Aude Suramy

20h15 - Eglise Sainte-Jeanne-d’Arc à Rouen - Contact : 06 82 78 13 63

5e conférence du cycle « N’ayez pas peur » avec Aude Suramy, maître de conférences en philosophie et vice-doyen de la faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse.

Thème de la conférence : N’ayez pas peur de vous donner ».

20h15 Eglise Sainte-Jeanne-d’Arc à Rouen.

Contact : 06 82 78 13 63

Conférences JMJ affiche complete

Cheminer jusqu’au don sincère de soi

 

Aude Suramy est maître de conférences en philosophie et vice-doyen de la faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse. Elle intervient de manière ponctuelle à l’Institut pontifical Jean-Paul II de Rome. En mars 2014, elle a publié un ouvrage intitulé « La voie de l’amour » consacré à la pensée de Karol Wojtyla et diffusé par les éditions Vrin. Rencontre.

 

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la personne et aux écrits de Saint Jean-Paul II ?

Aude Suramy : Durant mes études philosophie, je me suis interrogée sur la contraception. Je sentais que quelque chose n’allait pas sans bien comprendre les positions de l’Eglise. J’ai donc souhaité rédiger un devoir sur ce thème et ai été amenée à lire Amour et responsabilité de Karol Wojtyla. J’étais conquise. C’était en 2004, j’étais en 3e année de licence et depuis je n’ai cessé d’étudier cette pensée. Mais je crois que ce n’est pas d’abord nous qui nous intéressons à la figure d’un saint. C’est lui qui profite de certaines circonstances de nos vies pour essayer de nous en montrer le sens et ce que le Seigneur attend de nous. Tenter de comprendre et d’annoncer à ma petite mesure l’Evangile de Jésus-Christ  à travers  la pensée de Karol Wojtyla/Jean-Paul II, fait toute ma joie et je compte bien y dédier ma vie !

 

Y a-t-il des textes par lesquels il est préférable de commencer ?

Il y a cet ouvrage tout public dont je vous ai parlé : Amour et Responsabilité. Puis, la pièce de théâtre intitulé La boutique de l’Orfèvre. Il s’agit, me semble-t-il, d’excellentes portes d’entrée.

 

La jeune génération, « Y ou Z » rime avec hyper-connecté. Qu’est-ce que ces changements induisent en termes d’adaptation pour la jeune enseignante de philosophie que vous êtes ? 

Internet est un outil formidable mais il faut savoir l’utiliser. Malheureusement, je crains que son utilisation souvent inadéquate fasse de cette génération que vous appelez « Y, Z »  – et qui est aussi en partie la mienne –, non pas une génération « hyper-connectée » mais une génération « hyper-déconnectée ». Déconnectée de la réalité de ce qu’elle est, de la réalité extérieure à elle, de ses racines, et déconnectée de cette véritable culture par laquelle l’homme accomplit, « cultive » sa nature.  Nous pouvons avoir accès à une masse incroyable de données sans efforts, en un « clic », sans que cela constitue en nous une connaissance certaine qui nous permettra de choisir, d’exercer notre liberté. Apprendre et comprendre demande du temps et nous voudrions aller toujours trop vite. Les nouvelles technologies imposent à l’enseignante que je suis d’apprendre aux étudiants à en user à bon escient. Cela se fait surtout en  reprenant l’enseignement prophétique de Karol Wojtyla qui montre combien l’homme a fondamentalement besoin de culture pour agir librement, vivre et s’épanouir. La culture est anti-totalitaire. Ma joie de professeur de philosophie est de constater que mes étudiants le comprennent aisément. Ils ne sont pas dupes des manipulations politiciennes cherchant à étouffer toute réflexion, notamment en abaissant le niveau scolaire, en prônant le « YZ » au lieu de l’« ABCD ». Beaucoup ont soif de résistance culturelle.

 

« N’ayez pas peur de vous donner », tel est le thème de votre intervention. On connait l’élan spontané et généreux de beaucoup de jeunes lorsqu’ils s’engagent. Comment les aider à se construire dans une juste appréciation de leur capacité à donner, pour éviter qu’ils ne « se brulent les ailes » ? 

A.S : « L’homme, seule créature que Dieu ait voulu pour elle-même, ne peut se trouver que dans le don  sincère de lui-même » (GS24). Saint Jean-Paul II a fait de cette affirmation le leitmotiv de son pontificat. Elle est aussi la synthèse de toute sa pensée. Nous sommes appelés au don intégral et définitif de nous-mêmes. Ce don ne peut nous brûler les ailes parce qu’il est conforme à notre nature faite pour être aimée et aimer. Eclairés par notre intelligence fortifiée par la grâce de Dieu, nous saurons discerner le moyen personnel de nous donner. Certes, nous sommes pauvres, fragiles, blessés. Nous sommes tous des handicapés de l’amour. Mais, n’ayons pas peur ! Ouvrons « grand les portes au Christ », Miséricorde faite chair, et sa Puissance se déploiera dans nos faiblesses.

 

L’amour trinité nous aide à expérimenter la richesse de nos complémentarités au sein même de  nos familles. Pourquoi semble-t-il pourtant si difficile à tant de jeunes d’exister au sein de leur propre famille ?

Saint Jean-Paul II, « saint pape de la famille », affirme que « notre Dieu en son mystère le plus intime n’est pas une solitude mais une famille » ! La famille est une amoureuse communion des personnes à l’image de l’amoureuse Communion trinitaire. Elle participe de la Communion trinitaire comme une vitre participe de la Lumière. Il s’agit bien d’une communion et non d’une fusion qui détruirait la personne unique que nous sommes. Ces affirmations théologiques mais aussi la naturelle connaissance anthropologique qui les sous-tend, doivent éclairer nos intelligences pour comprendre la singularité de chacun, et l’aider à trouver sa place unique et indispensable dans la famille et dans la société. Il faut connaitre ce qu’est la personne humaine pour entrapercevoir ce qui est bon pour elle. L’urgence de formation vaut pour toutes les générations. Mais la formation intellectuelle ne suffit pas : il nous faut aussi demander avec le Christ « que tous soient un » !

 

Propos recueillis par Catherine Manné