Ouverture de la Porte de la Miséricorde

Ouverture de la Porte de la Miséricorde à la cathédrale Notre-Dame de Rouen

Le dimanche 13 décembre 2015IMG_9861  Le père Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, a ouvert la Porte Sainte : il était accompagné des Missionnaires de la Miséricorde, de ministres et de fidèles, ce Peuple que Dieu vient combler de sa miséricorde.

Parmi ces fidèles, par leur histoire ou par leur service d’Eglise, plusieurs nous rappellent les mots même de Jésus. « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25,35-36)

Le Christ nous invite à nous approcher de la Miséricorde du Père car « Dieu nous appelle tous à vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours » (Pape François)


Célébration d’ouverture
de la porte sainte de la miséricorde
Cathédrale Notre-Dame – dimanche 13 décembre 2015

 

Homélie

« Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance » (Jn 10, 10).

Frères et sœurs, Jésus vient, il vient pour que nous ayons la vie, la vie en abondance.

Oui, la vie et non la mort ;

Oui, l’amitié et non l’indifférence ;

Oui, la paix et non le carnage ;

Oui, la sérénité et non l’inquiétude ;

Oui, l’ouverture du cœur et non la fermeture ;

Oui, la joie et non la tristesse ;

Oui, la solidarité et non la solitude ;

Oui, le travail et non l’errance ;

Oui, l’accueil et non l’exclusion ;

Oui, la famille et non la séparation ;

Oui, l’amour et non la haine.

Oui, la vie en abondance !

Jésus vient. Où est-il ? « Je suis la porte », finit-il par dire, comme emporté pas ses mots et son invitation à entrer, et à sortir à la suite du berger. Jésus est habité par la promesse de son Père, qui devient sa promesse ; la promesse du Créateur qui devient Sauveur. Le psaume s’en fait l’écho : « Le Seigneur délie les enchaînés, aux affamés il donne le pain ; le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, redresse les accablés, le Seigneur protège la veuve et l’orphelin, et, enfin, égare les pas des méchants » (Ps 145, 7-9). Oui, l’amour et non la haine.

Le peuple de Dieu, le peuple juif, son peuple, entends l’appel lié à la promesse : « Ecoute, Israël, ton Dieu est l’unique, tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit » (Livre du Deutéronome 6, 4-5). A Nazareth, comme dans les maisons juives d’aujourd’hui, ces quelques mots sont écrits sur un parchemin et placés dans l’embrasure de la porte (cf. Dt 6, 9 ; 11, 20). Les fils d’Israël, les fils de la promesse touchent ou embrassent ce qui s’appelle la mezouza en sortant de leur domicile et en y entrant.

En embrassant la porte, au moment de la franchir, je penserai à la promesse réalisée en Jésus. Il a annoncé l’amour plus fort que toutes les puissances de la mort. Il a vécu cet « amour particulier qui est plus fort que le péché et l’infidélité du peuple élu », c’est-à-dire la miséricorde selon saint Jean-Paul II (Dives in misericordia, 1980, n° 4).

En franchissant la porte, je penserai à ce geste que Jésus accomplissait à Nazareth dans la maison de Marie et Joseph, dans l’intimité de leur vie quotidienne. « La miséricorde ne fait pas seulement partie de la notion de Dieu ; […] elle caractérise la vie de chacun de ses fils et de ses filles : elle est le contenu de leur intimité avec le Seigneur, le contenu de leur dialogue avec Dieu », dit aussi le Pape Jean-Paul II (n° 5). La porte sainte est placée à l’intérieur de la cathédrale pour dire qu’elle est là dans l’intimité de notre relation à Dieu. Les portes de vos maisons ne peuvent-elles pas devenir aussi des portes saintes ? Le Pape François l’a dit pour les portes des cellules des détenus. Ainsi l’appel à la miséricorde s’inscrira dans notre quotidien. Pourquoi ne pas déplacer le crucifix de vos maisons ou placer une icône de Jésus miséricordieux tout près de la porte que vous franchissez quotidiennement ?

« Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis », dit Jésus (Jn 10, 2). Cet après-midi, au nom de Jésus, le bon pasteur, je franchis la porte et vous précède. Je ne peux le faire sans ceux et celles qui, dans le quotidien de leur vie sont les pasteurs en acte, soignant les plus pauvres, accueillant l’amour réparateur de Dieu dans leur faiblesse ; je ne peux le faire sans des témoins de la miséricorde quotidienne.

Jésus est « le visage de la miséricorde du Père », écrit le Pape François (Bulle d’indiction du Jubilé de la miséricorde, 11 avril 2015, n° 1). Il l’est parce qu’il fait résonner l’appel à l’amour plus fort que la mort, il l’est parce qu’il a donné sa vie pour vaincre les puissances du mal, ne cessant de guérir, de soigner, de pardonner. Et déjà, dans la crèche, la tendresse indique le chemin choisi par l’Esprit Saint pour regagner le cœur de l’homme à l’amour.

Le Pape François nous offre un jubilé extraordinaire, cinquante ans après le Concile Vatican II, à un moment décisif de l’histoire humaine. « Le monde moderne, déclare le Concile, apparaît à la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire, et le chemin s’ouvre devant lui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. […] L’homme prend conscience que de lui dépend la bonne orientation des forces qu’il a mises en mouvement, qui peuvent l’écraser ou le servir » (Gaudium et Spes n° 9). S’il en était besoin, la COP 21 ou les événements actuels en sont une illustration presque littérale.

Le chemin s’ouvre devant nous, frères et sœurs. Ne vous précipitez pas à passer la porte sainte comme un geste miracle. Préparez-vous à choisir, et d’abord à vous laisser choisir par Dieu qui vous aime. Mais n’attendez pas si l’amour et le désir de réconciliation est là. Je pense, en particulier, à vous qui êtes blessés au fond de votre cœur ou de votre corps, qui un jour avez pu vous laisser submerger par le mal, celui de l’alcool, celui de l’orgueil fou ou du mensonge, celui de l’avortement subi ou dont vous avez été complice, celui de l’injustice au travail, celui du vol ou de l’adultère, celui du rejet de Dieu, celui de la tentation de supprimer votre vie. Brebis perdu, nous demeurons brebis aimés du Père, quel que soit le chemin de perdition que nous avons pu prendre, quels que soient les nœuds qui entravent nos cœurs.

Je pense à nous tous qui voulons retrouver le premier amour de notre « oui » à notre vocation d’enfants de Dieu. Dieu vous aime d’un amour qui n’a pas de nom plus grand et plus intime que celui de miséricorde, à la fois pardon et tendresse.

Laissons-nous aimer et pardonner : Dieu est riche en miséricorde ! Laissons-nous envahir par le désir d’aimer. A Noël, il renaît au fond de chacun d’entre nous et au cœur du monde.

 

✠   Dominique  Lebrun
Archevêque de Rouen.

 

Lectures de la célébration : Lettre de saint Paul, apôtre aux Ephésiens (2, 1-10) ; Psaume 145 ; Evangile selon saint Jean (10, 1-10)