Commentaires évangile 10 au 15 octobre 2016 par Louis Agneray

Commentaires  évangile 10 au 15  octobre 2016 par Louis Agneray

Lundi 10 octobre   Luc  11, 29-32

La foule demande un signe et Jésus le refuse

A priori c’est étrange pour le lecteur de l’évangile car les évangiles regorgent de signes

On pourrait dire, il suffisait d’attendre ;

Toutefois les évangiles sont vivants, ils racontent l’instant.

A cet instant, la foule souhaitait du merveilleux, quelque chose que l’on pourrait raconter, un témoignage vécu. De plus à cette époque on ne lisait pas les faits divers mais on racontait beaucoup.

Un signe aurait-il modifié les croyances, au moins, d’un certain nombre ? Difficile de donner un avis sinon qu’en général les signes, au moins les guérisons, se sont adressés à des croyants. Ils ont même été possibles parce que le demandeur était confiant. Plusieurs fois la conclusion est : « Ta foi t’a sauvé », la guérison du serviteur du centurion en est un bon exemple. Le Dieu de l’évangile fait énormément de choses mais il attend de nous une participation.

Dans ce passage de l’évangile la relation de confiance mutuelle est difficile à établir : « Cette génération est  une génération mauvaise ; elle cherche un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas »

Jésus se réfère au livre de Jonas.

Jonas a reçu la parole du Seigneur.

Il doit se rendre à Ninive, une ville non identifiée mais située dans une contrée lointaine.

Dans cette ville il doit avertir les habitants que leur comportement déplait au Seigneur et qu’en conséquence, la ville sera détruite.

Le voyage de Jonas se fait par mer. Il est très mouvementé, Jonas finit dans le ventre d’un gros poisson qui le rejette sur la côte.

Arrivé en ville Jonas adresse le message aux habitants de Ninive, les gens l’écoutent, se convertissent et la ville n’est pas détruite.

Ce récit  somme toute violent était-il connu de ses interlocuteurs ? On ne peut répondre.

Toutefois la comparaison est claire. Les gens de Ninive ont écouté Jonas. Pourtant la ville était grande il fallait trois jours pour la traverser et Jonas proclamait simplement un oracle : « Encore 40 jours et Ninive sera sens dessus dessous ». Cette oracle avait suffi pour que les habitants croient en Dieu, proclament un jeûne et se revêtissent de sacs.

La comparaison est directe : Pourquoi les habitants de Ninive ont écouté Jonas et lui ont fait confiance, alors que les juifs présents autour de Jésus sont sceptiques.

Ce paradoxe de l’attitude d’une partie des contemporains de Jésus s’est  poursuivi  à travers les siècles, il est le fruit de notre liberté, mais en se plongeant profondément dans les évangiles, on ne peut s’empêcher de se poser la question : « Pourquoi ne pas mieux écouter Jésus ? »

 

Mardi 11 octobre  Luc 11, 37-41

L’évangile de ce jour se situe chez un pharisien qui a invité Jésus. IL lui fait remarquer qu’il ne fait pas les ablutions traditionnelles. Au passage on peut noter le sentiment de supériorité qu’avaient ses pharisiens  car ce genre de remarque était au mieux impoli au pire de la goujaterie.

De plus un peu auparavant Jésus avait mangé déjà chez un pharisien et pendant le repas une pécheresse, nous avons dans la langue des termes plus adéquats pour la qualifier, avait répandu du parfum sur les pieds de Jésus. Les pharisiens avaient naturellement pris un air scandalisé d’autant plus que Jésus lui avait pardonné ses péchés.

Les pharisiens et Jésus se côtoyaient. L’interprétation de leurs relations qu’en ont fait  les évangélistes dépend de leur sensibilité mais probablement du contexte qui a prévalu lors de la rédaction de ces évangiles.

Ils se connaissaient même tellement bien que dans cette circonstance, Jésus n’y va pas par quatre chemins. Il les accuse en fait de perversité. Le pervers est en apparence irréprochable, c’est un bon père de famille il s’occupe de ses enfants, il est en général prévenant  mais en lui-même fourmille des calculs « votre intérieur est rempli de rapacité et de méchanceté » précise Jésus.

C’est dans les faits et non dans les apparences que vous serez  jugés aussi sur votre pureté et Jésus précise : « Donnez plutôt en aumône ce que vous avez et alors tout sera pur pour vous »

Depuis qu’il a été élu le pape François, dans la droite ligne de cet évangile, a montré son souci de cohérence par la nécessité de s’occuper des pauvres et pour se faire d’avoir cet esprit de pauvreté.

Il va de soi que la lutte contre la pauvreté est complexe, elle demande beaucoup plus que des dons mais une véritable expertise de terrain dans des domaines telles que l’éducation, l’organisation, l’investissement, la santé. Toutefois pour être efficace elle demande également de la crédibilité.

Cette crédibilité s’obtient, comme l’indique cet évangile, pas  simplement de l’extérieur  mais également de l’intérieur de nous-même.

 

Mercredi 12 octobre  Luc  11,42-46

 

Jésus est toujours chez le pharisien qui l’a invité la veille, la discussion se poursuit. Les reproches adressés aux pharisiens se précisent « vous êtes  comme des tombeaux qu’on ne voit pas et sur lequel on marche sans le savoir ». Et quand un docteur de la loi se plaint d’être insulté,  la réponse fuse : « Vous aussi vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et, vous-même vous ne touchez pas ces fardeaux d’un seul doigt »

Venu annoncer le royaume de Dieu, nous enseignant le respect et l’amour d’autrui le christ ne pouvait qu’être choqué par l’attitude des pharisiens ou des docteurs de la loi et, il ne mâchait pas ses mots. Le fait que ce soit celle des instances religieuses de l’époque ne faisait qu’aggraver la situation.

Restons au sens premier de la remarque, bien entendu il y a plusieurs niveaux, et traçons à gros  traits l’évolution de ce comportement. Il a beaucoup évolué à travers les siècles, les débuts de l’industrialisation ont été un tournant majeur, les charges de travail n’étaient plus  définies qu’en fonction des limites de la résistance humaine sans aucune considération sur la pérennité de cette main d’œuvre puisque le dépeuplement des campagnes la rendait abondante.

Aujourd’hui les produits importés des pays en voie de développement sont souvent produits par une main d’œuvre dans des conditions proches de ce que dénonce cet évangile. Les pharisiens ou les docteurs de la loi ne sont pas uniquement les employeurs de cette main d’œuvre mais également les nombreux intermédiaires qui mettent le produit sur le marché. Le moment n’est pas de mettre les chiffres sur la table mais ils sont éloquents.

Aussi est-il de notre devoir de lutter dans la mesure de nos moyens contre ces pratiques. Le pape François s’élève violemment contre ce type d’économie nous devons le soutenir, j’ajouterai, mais je sais que c’est un point délicat sans esprit de système.

 

Jeudi 13 octobre Luc 11 47-54

 

La discussion commencée les jours précédents chez  le pharisien se poursuit. Plus explicite chez Mathieu que chez Luc Jésus n’accepte pas l’excuse des pharisiens qui se désolidarisent de leurs ancêtres qui ont assassiné les prophètes en disant : « Si nous avions existé aux jours de nos Pères, nous n’aurions pas été leurs complices pour verser le sang des prophètes »

Toutefois le reproche n’est pas celui d’une responsabilité en cascade, ce qui serait choquant, par exemple il n’est pas raisonnable de reprocher aux allemands leurs ancêtres nazis, leur dire vous auriez fait la même chose dans les mêmes circonstances est du domaine du procès d’intention la voie facile pour condamner n’importe qui.

Mais c’est la suite qui devient éclairante, en effet Jésus précise : « Quel malheur pour vous docteurs de la loi, parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance ; vous n’êtes pas entré et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés. »

On retrouve une constante dans l’enseignement de Jésus, il est très sévère pour ceux qui propagent des idées fausses ou pour ceux qui empêchent de propager des idées justes. Il ira jusqu’à dire pour ceux qui détournent les enfants : « Celui qui scandalisera un de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui suspende une meule à âne autour du cou et qu’on le précipite au fond de la mer »

En osant s’attaquer aux docteurs de la loi, Jésus s’en prenait au cœur du fonctionnement de la religion juive de l’époque. Il explicitait clairement le détournement à travers les siècles malgré les tentatives de redressement faites par les prophètes

Le reproche était lourd et bien entendu ne pouvait passer.

« Aussi, les scribes et les pharisiens se mirent à s’acharner contre lui et à lui arracher  des réponses sur quantités de sujets, lui tendant des pièges pour s’emparer de ses propos » précisent les versets suivants .

Dans ce passage le christ démonte le fonctionnement hypocrite d’une caste régnante pour le passé et perverse pour le présent. Cela demandait énormément de courage et il le paiera par le supplice du fouet et de la croix.

 

Vendredi 14 octobre   Luc 12, 1-7

 

L’évangile des 3 derniers jours décrit une âpre discussion entre Jésus et les pharisiens, Jésus reproche aux pharisiens leur hypocrisie dans leur comportement, dans leurs recommandations et même dans leur façon de présenter l’histoire.

Aujourd’hui il s’adresse à ses disciples devant une grande foule pour conclure ce passage.

Sa première conclusion est de la logique, on pourrait la résumer de la façon suivante : « On peut mentir à peu de gens longtemps, on peut mentir à beaucoup de monde peu de temps mais on ne peut pas mentir à tout le monde tout le temps »  c’est-à-dire que le chemin de l’hypocrisie choisi par les pharisiens ne mène nulle part.

La deuxième conclusion annonce les martyrs à venir : «  Ne craignez pas ceux qui tuent le corps. » 20 siècles plus tard, beaucoup d’horreurs ont été pratiqué dans le monde et malheureusement continuent d’être pratiqués. Elles n’ont pas pour autant amélioré la cause de ceux qui les ont pratiqué et se sont soldées  par de retentissants échecs

La troisième conclusion repère le vrai danger qui est la corruption. En effet, si le mensonge ne mène nulle part, si les contraintes physiques sont impuissantes les contraintes de l’esprit sont dangereuses. Perdre son corps est peu de chose car le corps est mortel, perdre son esprit est beaucoup plus grave, Jésus précise : « Craignez celui, qui après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis c’est celui-là que vous devez craindre. »

Pour renforcer l’idée, Jésus montre le prix que le Père attache à chacun d’entre nous, cela va jusqu’aux plus infimes détails : « les cheveux de votre tête sont tous comptés »

On retrouve dans cet affrontement avec les pharisiens le socle sur lequel est bâtie la foi des chrétiens, la valeur  de chacun d’entre nous du fait fondamental que le Père nous aime et souhaite que nous nous comportions comme des enfants aimés par le Père. L’une des très belles paraboles l’illustrant est le retour du  fils prodigue merveilleusement illustré dans le tableau de Rembrandt.