Commentaire du 24 au 27 octobre, par Hélène Labrunye

Lundi   –  Luc 13,10-17

 

Aujourd’hui, l’évangile de Luc raconte une des nombreuses guérisons opérées par Jésus. Celui-ci redresse une femme courbée le jour du sabbat, dans une synagogue. Cette femme n’a rien demandé. Luc précise qu’elle est « absolument incapable de se redresser ». Elle est repliée sur elle-même, physiquement et moralement.

Jésus annonce sa guérison comme une libération : « te voici délivrée de ton infirmité ». En redressant la femme, il restaure sa confiance, la rend capable de s’adresser à Dieu pour lui rendre gloire. Cette guérison est aussi une délivrance du mal, de l’esprit qui possédait l’infirme et l’empêchait d’entrer dans une vraie relation d’amour avec Dieu. Ceux qui reprochent à Jésus de guérir le jour du sabbat sont aussi un autre exemple de ce manque de confiance qui empêche d’agir avec amour. Ils se replient sur la loi, sur des règles au lieu d’accueillir le geste de libération de Jésus parce qu’il ébranle leurs certitudes.

La joie de l’assemblée montre bien que la guérison de la femme courbée est un geste de salut pour tous les hommes. Comme cette femme, toute la foule entre dans la louange, dans une vraie relation d’amour à Dieu et aux autres.

Nous aussi nous appartenons aussi à cette humanité courbée, accablée parfois par les soucis, les fautes ou les mauvaises nouvelles. Nous sommes tentés de nous recroqueviller sur nous-mêmes, de nous crisper sur des certitudes qui nous empêchent d’aimer. Cet évangile nous rappelle que le Christ est venu nous libérer de ces pesanteurs, il nous donne la force de vivre debout, malgré les épreuves, en communion avec les autres,  portés par l’espérance. Jésus a redressé la femme courbée, à la synagogue, un jour de sabbat ; nos eucharisties sont aussi ces moments privilégiés où nous accueillons le Christ venu nous sauver. Que cette grâce soit celle de toute notre existence. Croyons que le Seigneur Jésus est avec nous à chaque instant pour nous relever et nous faire vivre d’une vie de ressuscité.

 

Mardi –  Luc 13,18-21

 

Ce sont deux paraboles toutes simples que nous donne à méditer l’évangile de Luc aujourd’hui. Elles nous révèlent pourtant les merveilles de Dieu. Ces petits récits devraient nous étonner, nous bouleverser.

Jésus montre que le règne de Dieu advient à partir d’un tout petit geste humain. Le Christ emprunte des images au quotidien. Un homme sème une graine de moutarde, une femme enfouit du levain dans la farine. Ce sont des actes que l’on remarque à peine mais qui permettent de participer à la vie, qui demandent une certaine confiance en la vie qui va se multiplier à partir de ce petit rien. La graine va d’abord pousser, des oiseaux vont se poser sur l’arbre et y élever leurs petits. La pâte va lever et la femme nourrir sa famille. C’est à la fois ordinaire et merveilleux. Jésus ouvre ainsi nos yeux sur les miracles quotidiens de notre existence.

Nous renonçons parfois à réaliser une tâche, à nous engager dans un projet au service des autres. Nous doutons de l’utilité de  nos efforts, nous craignons le manque de reconnaissance. Dans ces instants de découragement, nous ne voyons plus l’essentiel : Dieu est toujours à l’oeuvre dans la création. Il nous demande seulement d’avoir confiance en cette vie, d’y participer avec amour et de garder l’espérance en la venue du Royaume. Comme la graine ou le levain, cette vie divine unie à l’humanité reste invisible, mystérieuse mais elle produit des fruits.

Si nous prenons le temps de contempler nos existences avec un regard de foi, nous verrons combien Dieu y est présent. Etonnons-nous qu’une rencontre banale nous ait apporté tant de lumière, qu’un moment difficile ait été source de joie. Le Royaume de Dieu, tel que Jésus le définit, est déjà à l’oeuvre dans le monde, dans nos  existences quotidiennes. Accueillons avec confiance la présence et la puissance de Dieu qui vient travailler en nos coeurs et y faire jaillir la joie du Royaume.

 

Mercredi – Luc 13, 31-35

 

Dans cet évangile de Luc, Le Christ tient à la fois des paroles terribles et des propos très tendres envers Jérusalem où il se rend sachant qu’il va y mourir pour que le monde soit sauvé. Aussi l’avertissement des pharisiens : « Pars, va-t’en d’ici : Hérode veut te tuer » est inutile, inopportun. Jésus renvoie assez sèchement ses interlocuteurs et leur montre sa volonté d’accomplir jusqu’au bout sa tâche. Il récapitule celle-ci en quelques mots : il a commencé par « expulser les démons » et « faire des guérisons ». Ce sont déjà des gestes de salut ; ils manifestent le but ultime du Christ, sauver tous les hommes. Jésus annonce en même temps sa mort et sa résurrection : « Le troisième jour, j’arrive au terme». L’expression peut signifier sa mort prochaine mais le troisième jour évoque surtout sa résurrection et le verbe « arriver au terme » a en grec plutôt le sens de j’achève, j’accomplis jusqu’au bout, jusqu’à la perfection.

La détermination de Jésus n’efface pas son amertume et sa grande souffrance. Il invective Jérusalem et à travers elle tous les hommes qui rejettent Dieu et ses envoyés : les prophètes ont été lapidés et lui-même sera crucifié. Jésus montre combien ces réactions violentes sont incompréhensibles avec une image étonnante d’humilité. Il se compare lui-même à une poule qui veut réunir sa couvée sous ses ailes, à une mère qui cherche à abriter ses petits, à les protéger de tout mal. Il manifeste ainsi la grande tendresse de Dieu pour les hommes, son amour indéfectible.

Les propos de Jésus ne sont cependant pas désespérés. Les hommes se sont coupés de Dieu mais celui-ci ne les abandonne pas. Ils pourront dire quand ils seront prêts ou à la fin des temps : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur». Cet épisode se clôt donc sur une parole d’espérance où tous les hommes semblent communier dans la louange de Dieu.

Jérusalem est à l’image de toute notre humanité qui peine à reconnaître l’amour de Dieu, qui le voit comme un danger pour son indépendance, sa tranquillité ou sa liberté. Il nous faut sans cesse purifier, reconsidérer l’image que nous avons du Seigneur. Laissons-le nous réunir dans sa tendresse pour vivre, dès maintenant et sans attendre la fin des temps, la joie d’être sauvés.

 

Jeudi  –  Luc 13, 22-30

 

Dans cet évangile de Luc, quelqu’un ose poser la question qui occupe sans doute beaucoup d’esprits, celle du salut individuel. L’interlocuteur de Jésus craint sans doute de ne pas faire partie des sauvés si leur nombre est faible.

Le Christ ne donne aucune indication sur la proportion de sauvés. Il présente le salut comme la porte étroite d’une maison dans laquelle tous sont invités à entrer sans attendre. Il incite ceux qui l’écoutent à désirer de toutes leurs forces ce salut, à se mettre en mouvement pour rejoindre le Seigneur.

Il ne suffit pas de consommer distraitement ce que le Seigneur donne, de « manger, boire en sa présence », ou de le regarder enseigner. Dans le petit récit de cet évangile, le maître de maison ne reconnaît pas ceux qui l’ont seulement côtoyé. Jésus nous appelle au contraire à entrer dans une vraie relation d’amour avec lui, à le connaître intimement. La lecture de la parole, la prière, l’eucharistie sont des moments privilégiés de cette rencontre, de cette union. Le Christ nous fait déjà entrer par la porte étroite, nous invite à demeurer avec lui.

L’évangile montre aussi que le salut est ouverture aux autres, communion avec les autres. En effet, le Christ présente le Royaume de Dieu, sur lequel ouvre la porte étroite, comme un grand festin où les prophètes de tous temps, les peuples venus de tous les pays, convergent et viennent prendre place.

Manger et boire chacun pour soi sans chercher à s’ouvrir à l’autre et à l’aimer, c’est faire fausse route, c’est commettre l’injustice. Quand nous sommes trop tournés vers notre existence individuelle, nous  nous rejetons nous-même de la communion humaine, avant-goût du Royaume de Dieu. Vivons avec le désir de mieux connaître le Seigneur, à travers tout ce qu’il nous offre, nos frères mais aussi sa propre personne, présente en chacun de nous. Partageons dès maintenant l’amour et la joie d’être sauvés.