Homélie de la messe du Blé Eucharistique 31 mai 2017

Homélie de la messe du Blé eucharistique.

Rouen – 31 mai 2017

Lecture du Livre de Sophonie (3, 14-18) ; Cantique (Isaïe 12, 2, 3, 4abcd, 4e-5, 6) ; Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (1, 39-56)

Les lectures  que nous venons d’entendre, en cette fête de la Visitation de la Vierge Marie, évoquent trois dimensions essentielles de notre vie chrétienne. Il s’agit de

à Naître au désir de Dieu

à S’engager dans une dynamique de visitation

à Porter un regard renouvelé sur notre vie et la vie du monde

P1040902Naître au désir de Dieu.

Dans la première lecture, le prophète Sophonie répercute l’invitation du Seigneur : « Pousse des cris de joie ! Réjouis-toi ! » Au fil des siècles, grâce à la pédagogie que Dieu a mise en œuvre dans les prophéties, le Peuple de Dieu a vécu l’alliance proposée de façon plus intérieure et plus joyeuse. Les propos de Sophonie sont une invitation pressante à la joie de l’Alliance. Non plus une Alliance réduite à un contrat à respecter, mais une Alliance qui se fait rencontre, libération, pardon et joie des retrouvailles. Le Peuple a été infidèle ; le prophète Sophonie le sait et il ne manque pas de lui rappeler son idolâtrie avec son cortège de violences, de fraudes, d’injustices sociales, de vanité des puissants et de mépris des humbles et des faibles. Le Prophète appelle à la conversion, non pas en menaçant, mais en annonçant la joie du pardon de Dieu. On comprend pourquoi ce texte nous est proposé en cette fête de la Visitation. Le prophète exprime la joie du Seigneur de retrouver son peuple, la joie de le remettre en grâce par son pardon. Et Dieu attend de son peuple qu’il naisse au même sentiment puisque les sentences contre lui sont relevées et ses ennemis sont écartés. Plus rien ne s’oppose à la joie du salut. Dieu visite son peuple et écarte le malheur, repousse l’humiliation.

Frères et sœurs, c’est une invitation qui garde toute son actualité. Le pape François nous l’a rappelé dans son Exhortation Apostolique « La joie de l’Evangile ». Si nous nous laissons visiter par le Seigneur, nous naîtrons à la joie de la rencontre et du pardon. Si notre cœur est fermé, nous devenons, dit le pape, «  des personnes vexées, mécontentes, sans vie. Ce n’est pas le choix d’une vie digne et pleine, ce n’est pas le désir de Dieu pour nous ».

Une foi adulte et authentique se fonde dans l’expérience de nous laisser visiter par le Seigneur.  Ce fut l’expérience de la Vierge Marie que nous célébrons aujourd’hui.

Nous engager dans une dynamique de la visitation.

 Ayant accueilli en elle la Parole de Dieu faite chair, Marie se met en route vers sa cousine Elisabeth. La Parole de Dieu met en mouvement vers les autres. Le pape François, dans son Exhortation Amoris laetitia évoque la Parole comme une « compagne de voyage ». C’est bien ce qui arrive à Marie dans le mystère de la visitation. Malheureusement, trop de chrétiens rejoints dans leur vie par la Parole de Dieu, se contentent de rester sur place sans chercher à rejoindre les autres. On a parfois le sentiment que des chrétiens ou des communautés chrétiennes se satisfont d’une position attentiste : on est prêt à accueillir ceux qui viendront à nous, pour nous rejoindre et s’inscrire dans nos façons de croire et de célébrer.

Marie nous montre qu’une foi adulte s’accompagne d’une spiritualité de la visitation. Il s’agit de partir à la rencontre de nos frères et sœurs pour leur annoncer le message de l’Evangile. On évangélise en nous désinstallant, en nous déplaçant sur le terrain des autres, pour rejoindre l’espace de leurs attentes, de leurs questions, de leurs espoirs ou de leurs souffrances. La visitation est le fruit d’une foi apostolique car le disciple du Christ se sait envoyé pour faire naître chez les autres le goût de connaître et de suivre le Christ.

P1040850Porter un regard renouvelé sur notre vie et la vie du monde.

 Lorsque la foi nous fait naître au désir de Dieu, lorsqu’elle nous entraîne dans une visitation des autres, elle nous ouvre les yeux sur la présence et l’action de Dieu qui accomplit des merveilles. C’est bien le sens du Magnificat qui monte des lèvres et du cœur de la Vierge Marie. Elle s’émerveille de ce que le Seigneur a accompli chez sa cousine.

Tant que nous restons chez nous et entre nous, nous risquons d’être myopes et de ne pouvoir discerner les merveilles que le Seigneur suscite chez les autres. Pire même, nous pouvons nous laisser gagner par une mentalité d’assiégé défaitiste, diabolisant alors ceux qui sont différents, dévalorisant  la société et les efforts des hommes pour habiter cette terre de façon plus harmonieuse et plus humaine. Ce n’est aucunement de la naïveté ou de l’optimisme béat. Le mouvement de la visitation nous fait grandir dans une foi adulte, capable de reconnaître le mal et le péché sans sombrer dans la désespérance… capable de s’en remettre à la Miséricorde de Dieu … une foi adulte qui puise son espérance dans la promesse de Dieu dont elle voit la réalisation dans la vie des autres visités, autant que dans sa propre vie.

Comme pour la Vierge Marie, la Parole de Dieu peut nous lancer dans la visitation des autres, aiguisant et éclairant notre regard pour découvrir les merveilles que le Seigneur accomplit aujourd’hui.  Cela nous évite une foi sclérosée et routinière. Une spiritualité et une démarche de visitation, comme celle que Marie a su adopter, nous garantit une foi vivante, réactivée sans cesse au contact de l’action de Dieu qui fait des merveilles.

 

à Naître au désir de Dieu

à S’engager dans une dynamique de visitation

à Laisser la Parole de Dieu éclairer notre regard

Que ce soit la grâce que nous demandions les uns pour les autres dans cette Eucharistie.

 

Mgr Jean-Luc Brunin
Evêque du Havre