Célébration à l’occasion du centenaire de la naissance de l’abbé Bernard Daubeuf – 10 juin 2017

Célébration à l’occasion du centenaire de
la naissance de l’abbé Bernard Daubeuf
Entraide Sainte-Marie – 10 juin 2017

Tb 12, 1.5-15.20 ; Ct Tb 13
Mc 12, 38-44

Homélie

« Cette pauvre veuve a mis dans le trésor, plus que tous les autres » (Mc 8, 43).

Frères et sœurs, nous sommes a priori bien d’accord … mais si nous nous mettons à la place de l’abbé Daubeuf dans les moments les plus difficiles ou bien encore à la place des administrateurs actuels de l’URAS, un don généreux ou une subvention avec plusieurs zéros ne laisse pas indifférent à côté d’une ou deux pièces d’un euros !

Devons-nous faire contre mauvaise fortune bon cœur ? La première lecture nous aide.

Nous sommes à la fin d’une petite histoire –un vrai roman. Permettez que j’en redise l’essentiel. Deux situations de détresse du peuple de Dieu en déportation, l’un en Irak à Ninive, l’actuelle Mossoul ; l’autre en Iran, l’actuelle Hamadan, sur le plateau.

  • Un chef de famille loyal envers son peuple, Tobith, est pris à partie car il a bravé l’interdit d’enterrer un compatriote. De plus, il est devenu aveugle en recevant sur ses yeux de la fiente d’oiseau, comme si Dieu le punissait de ses actes ;
  • De l’autre, une jeune fille, Sarra. A sept reprises, elle devait se marier mais, à chaque fois, le promis est mort brusquement avant de pouvoir s’unir à elle. On la dit possédée d’un démon, Asmodée.

Ces deux personnages représentent notre humanité avec sa figure masculine et sa figure féminine.

La figure masculine, c’est le chef de famille Tobith qui devient aveugle, c’est notre humanité qui ne sait plus où aller, qui ne voit plus sa route, qui désespère. Sarra, la figure féminine, est le cœur pur qui désire tant être aimé et aimer. Elle a pourtant envie de se supprimer après les sept fiancés morts. N’est-ce pas ce que nous continuons de vivre ? Ensemble et chacun d’entre nous ?  A la fois, de profondes interrogations sur la route à suivre qui peuvent conduire au désespoir, à la fois un cœur pur qui nous stimule, qui espère, qui agit. L’abbé Daubeuf a partagé cette humanité-là.

Et voilà que tous les deux, Tobith et Sarra, vont être sauvés par l’intervention de l’ange de Dieu, Raphaël qui apparaît sous les traits d’un homme. Le vieux Tobith, désespéré, envoie son fils chercher de l’argent qu’il a mis en dépôt, disons en sûreté, en Médie sur le plateau de l’Iran, une sorte de paradis fiscal. Raphaël va être le compagnon providentiel du jeune Tobie.

Sur la route, ils vont trouver le remède pour la cécité de son père ; Au terme du voyage, Tobie épousera la jeune Sarra. Je vous passe les détails qui valent le coup d’être lus.

Le passage que nous venons d’entendre est la fin du récit, au retour. Tobith veut remercier Raphaël mais Raphaël invite à bénir Dieu, à annoncer ses bienfaits, à reconnaître sa présence. C’est lui qui habitait leur prière dans l’épreuve, c’est lui qui envoyait un secours discret en la personne de Raphaël, c’est lui les guidait : « maintenant, bénissez le Seigneur sur la terre ! Célébrez Dieu ! », dit-il en conclusion (Tb 12, 20).

N’est-ce pas ce que nous faisons ce matin, à nouveau. Bénir Dieu et le célébrer, en reconnaissant les bienfaits accomplis à l’Entraide Sainte-Marie et de bien d’autres institutions fondées par l’abbé Daubeuf, tel l’ange Raphaël ou le jeune Tobie ?

En fait, il s’agit d’une véritable coopération entre Dieu et les hommes, sans que parfois Dieu n’apparaisse. D’ailleurs, l’abbé Daubeuf célébrait ici à 7h du matin, presque chaque jour, comme cela a été rappelé.

Revenons à notre pauvre veuve de l’Evangile. Elle a mis plus que les autres parce qu’elle a pris sur son indigence, dit Jésus. On comprend que la veuve de l’Evangile, c’est une nouvelle Sarra. Elle a le cœur pur, mais n’est plus fiancée, elle a fait l’expérience de l’amour mais l’être aimé lui a été retiré : elle est veuve. C’est à nouveau la figure de notre humanité, lorsqu’elle se sait indigente.

Ce matin, vivons dans la joie de l’action de grâce pour tout ce qui s’est vécu de beau et de grand dans l’indigence de la guerre et des injustices sociales. Notre temps prend heureusement, mais encore difficilement, conscience de l’illusion d’une croissance économique qui effacerait notre indigence profonde. Seul l’amour sauve.

Rendons grâce pour l’amour. Célébrons sa source qui est en Dieu.

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.