25ème dimanche du temps ordinaire (A) – Saint Martin de Boscherville – Pèlerinage des Pères de famille

25ème dimanche du temps ordinaire (A)
Saint Martin de Boscherville
Pèlerinage des Pères de famille

Textes de la messe : Lecture du livre du prophète Isaïe (55, 6-9) ; Psaume 144 ; ecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens (1, 20c-24.27a) ; Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (20, 1-16)

Homélie

« Je ne sais plus comment choisir … Je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire », dit St Paul (Ph 1, 22 … 24). Accueillons cette hésitation de St Paul avant de regarder la vigne.

Chers pères de famille, avez-vous hésité à quitter votre épouse, vos enfants pour ce vingt-cinquième pèlerinage, et, surtout, « pour être avec le Christ » ? St Paul hésite. Son interrogation est plus fondamentale qu’une question de week-end. Paul choisit de demeurer dans le monde pour travailler encore à la vigne du Seigneur. Aurait-il eu la tentation de mourir voire de se suicider ? St Paul réfléchit à ses désirs les plus profonds plus qu’à ce qu’il doit faire.

Tel est le thème de votre pèlerinage : « Enracinés dans la foi, en famille, dans un pays ». Où est votre désir le plus profond, sur quoi voulez-vous fonder les occupations de vos journées ? Sur quoi, en qui ?

Il est possible que, parmi vous, certains aient hésité entre une consécration dans le célibat, prêtre ou religieux, et la vie familiale. Ce souvenir est peut-être remonté en quittant l’abbaye de Saint-Wandrille  hier. Nos vies sont traversées par des choix.  Ne fermez pas votre cœur aux appels ou questions profondes. Je pense, en particulier, à l’appel au diaconat, possible pour les pères de famille. Sachez les partager comme St Paul le fait aux Philippiens. Notre pudeur masculine n’est pas toujours bonne conseillère.

Les questions, peut-être les réponses entendues ce week-end, si elles sont de Dieu, vous portent à œuvrer à la vigne du Seigneur.

Regardons la vigne pour mieux comprendre à quoi nous appelle le Seigneur. La vigne est une plante délicate.

Son fruit peut être délicieux, amer ou dangereux. Cela dépend des ouvriers, du cépage, des conditions climatiques et de ce que nous vivons intérieurement. Cela dépend aussi des choix faits par le maître de la vigne.

Notre vie est entre nos mains mais pas seulement. Si nous sommes enracinés dans la foi, nous comprenons que notre vie est entre les mains de Dieu ; si nous sommes enracinés dans notre famille, nous comprenons que notre vie dépend de notre famille ; si nous sommes enracinés dans notre pays, nous comprenons que notre vie est liée à celle de la communauté humaine.

Autrement dit, le père de famille, responsable, actif, dépositaire d’une autorité est dépendant, profondément dépendant ! Il rejoint l’humilité de Dieu, l’humilité de celui qui est sorti pour appeler à sa vigne les ouvriers qui se lèvent tôt, et les autres. Dieu devient dépendant de ses ouvriers que nous sommes, parfois bons ouvriers, parfois râleurs ou revendicatifs.

La vigne est une plante qui demande des soins constants, à toutes les saisons. Il est bon que votre mission trouve en ce pèlerinage un temps particulier de soin, un temps fort. Il est nécessaire que vous ménagiez des espaces et des temps pour prendre soin de votre mission.

La vigne est à nouveau plantée dans notre région, non loin d’ici même. Nous aurons le plaisir de redécouvrir leur transformation tout au long de l’année. Soyez vigilants, chers pères de famille, aux transformations de votre famille, de votre épouse, de vos enfants, de votre pays, de votre Eglise. Etre enraciné ne signifie pas être immobile, sans évolution, sans période de renouveau mais aussi pas sans hiver.

Le bois de la vigne me déroute à chaque fois que je le contemple en hiver. A mes yeux de citadins du nord de la France, il est mort pendant de longs mois. Telle peut être l’impression que nous pouvons avoir quant à notre vie spirituelle. C’est pourtant l’un des moments où le maître est le plus attentif à sa vigne, la travaillant, remuant ou pas la terre qui l’entoure.

Ne mesurez pas, chers Pères de famille, votre foi, votre amour, votre réussite professionnelle à vos fruits apparents. Ils sont pour le maître qui, seul, connaît le temps de la récolte. Mesurez-les à votre enracinement, c’est-à-dire à votre fidélité à être ce que vous êtes : des ouvriers de la première ou de la dernière heure.

C’est la joie du Seigneur, de Celui qui est bon !

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.