Célébration des obsèques du Père Jacques Bourg – 12 octobre 2017 – Cathédrale Notre-Dame

Célébration des obsèques du Père Jacques Bourg
Cathédrale Notre-Dame de Rouen – Jeudi 12 octobre 2017

Jb 19, 1.23-27a ; Ps 24
Ap 21, 1-5a.6b-7 ; Lc 24, 13-35

Monition d’ouverture

Frères et sœurs, depuis dimanche, le presbyterium et la famille diocésaine est en deuil. Nous savions le Père Bourg âgé, malade. Il était à bout de souffle, au soir d’une vie bien remplie. La famille diocésaine s’étend en bien des lieux, à Poitiers et à Evreux. Je remercie leurs évêques, Pascal Wintzer et Christian Nourrichard d’être présents avec notre archevêque émérite, Jean-Charles Descubes. Notre famille diocésaine est pour tous. Je salue Monsieur le maire et le remercie de sa présence toute de sympathie pour nous et d’amitié pour le Père Bourg.

Hier soir, nous nous sommes souvenus de la longue vie et du beau ministère accompli par Mgr Jacques Bourg, en priant avec Marie et tous les saints. Chacun se souvient de ses rencontres, de ses échanges avec le Père Bourg, qui dans cette cathédrale, qui sur les chemins de Rome, d’Assise, Lourdes, Fatima ou St Jacques de Compostelle, qui au cours de son ministère paroissial à Dieppe jamais oublié, qui à l’occasion de son service auprès de cinq archevêques, qui en recevant le pardon ou l’eucharistie qu’il célébrait sans compter, qui dans ses liens d’amitié simplement.

Ce matin nous voulons écouter la Parole de Dieu, la laisser éclairer notre peine et célébrer le sacrifice d’action de grâce, confiant à Dieu celui qui est son prêtre pour l’éternité.

Accueillons la lumière qui vient du Christ Ressuscité.

 

Homélie

« Tel sera l’héritage du vainqueur ; Je serai son Dieu, et lui sera mon fils » (Ap 21, 7).

L’héritage ! L’héritage du vainqueur ! Deux grands aspects du mystère chrétien que je vous invite à retenir avant d’accueillir la belle promesse de l’Apocalypse : « Je serai son Dieu, et lui sera mon fils ».

Frères et sœurs, le Père Bourg est un  héritier et nous avons à recevoir son héritage. Combien d’entre vous m’ont dit, « c’est une page qui se tourne », non, « c’est une encyclopédie qui se ferme ». L’action de grâce pour l’héritier qui transmet l’héritage, le Père Bourg en vivait lui-même : il avait une véritable dévotion à ses parents.

Il aimait et vivait l’histoire. Il se situait dans la grande tradition de l’Eglise, au sens noble du mot « tradition », transmettre ce que nous avons reçu (cf. 1 Co 15, 3). C’est ce que nous faisons de la manière la plus certaine lorsque nous célébrons l’Eucharistie deux mille ans après le soir de la résurrection sur le chemin d’Emmaüs : « quand il [Jésus] fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent » (Lc 24, 30).

D’archevêque en archevêque, le Père Bourg a servi l’Eglise, une Eglise différente, qui s’adapte, qui consacre de nouveaux autels, qui ordonne des prêtres nouveaux, et qui continue à prier comme Jésus le lui a enseigné et qui continue à distribuer la miséricorde du Seigneur comme Jésus le lui a appris et qui continue à être généreuse.

L’héritage pour l’apocalypse c’est « l’héritage du vainqueur » (Ap 21, 7). S’il y a victoire, c’est qu’il y a un combat. Le disciple de Jésus y est invité et le Père Bourg n’y a pas échappé. Entre celui qui parle avec autorité et celui qui est autoritaire, il y a l’espace de ce combat. Entre celui qui est triste de voir partir une figure paternelle et celui qui s’enferme sur lui-même, il y a l’espace de ce combat. Entre la communauté fière de son Seigneur et celle fière d’elle-même, il y a l’espace de ce combat.

L’héritage du vainqueur n’est pas le nôtre. L’héritage du vainqueur est remis à Jésus seul vainqueur du mal, de la souffrance et de la mort. L’héritage du vainqueur est remis au Fils qui a mené le bon combat. L’héritage du vainqueur est remis aux humbles à qui Jésus veut le partager. Cet héritage se recueille  au pied de la croix, le combat qui rassemble tous les combats. Cet héritage associe à la résurrection du premier victorieux de la mort. Cléophas et son compagnon, dont on ignore le nom, font partie des humbles littéralement retournés : défaits, ils revivent, ils reprennent le chemin de Jérusalem, qui devient « nouvelle », et de la communauté : « A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain » (Lc 24, 35).

La victoire prend un autre nom, celui de « mission ». Cléophas et son compagnon accomplissent leur mission. Ils relient l’annonce de la résurrection à l’Eucharistie. Etonnante complémentarité : les Onze proclament : « Il est réellement ressuscité » (Lc 24, 34) ; deux disciples inconnus disent le reconnaître à la fraction du pain (Lc 24, 35) ! Ils révèlent ainsi aux apôtres la profonde identité entre le Ressuscité et le Pain de vie. Désormais, communier à la fraction du pain, c’est communier au Corps livré, au sang versé, et au Christ Ressuscité !

Frères et sœurs, il n’y a pas d’Eglise héritière sans eucharistie et sans prêtre, il n’y a pas de prêtre et d’Eucharistie sans peuple de Dieu qui part sans cesse en pèlerinage à la recherche de la source : « A celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils » (Ap 21, 6-7).

Participer à l’héritage, c’est finalement devenir fils. Et peut-on être fils sans obéissance ? A la veille de sa mort, je conseillais le Père Bourg : « Si le Seigneur vous appelle, dites-lui ‘me voici ‘, comme au jour de votre ordination ». Il acquiesça en ajoutant : « Il faut toujours obéir à l’archevêque ». Ce ne fut sans doute pas sans combat de sa part.

Le Père Bourg est parti avec Marie, le chapelet entre les mains. Fille d’Israël, obéissante, Marie est notre mère tendre et fidèle, celle qui nous apprend à regarder le fils, à l’aimer, à l’adopter, mieux à nous laisser adoptés, comme elle se laissa adoptée par l’amour divin, et nous adopte.

Qui sommes-nous, frères et sœurs, si nous considérons l’approche plus ou moins lointaine mais certaine de notre mort ? Qui sommes-nous sinon des adoptés du Père par le Fils dans l’Esprit, des adoptés de Dieu amour, des adoptés attendus dans la Jérusalem céleste ? Cherchons de tout notre cœur à recevoir la filiation du Père dès maintenant, c’est l’héritage du vainqueur, c’est la voie royale qui mène à lui. La famille de Dieu est notre seul bonheur éternel.

« Je serai son Dieu et lui sera mon fils » ! Notre Père, que ta volonté soit faite ! Le combat et l’adoption s’achèvent pour le Père Jacques Bourg. Ne doutons pas : il poursuit son service pour notre diocèse par sa prière et par amour de l’Eglise. En reconnaissance disons encore à Jésus : Ouvrez-lui les portes de la Jérusalem céleste (cf. Ps 24) ! Ouvrez à tous le chemin de notre Père.

 

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.