Commémoration des fidèles défunts – 2 novembre 2015

Commémoration des fidèles défunts

Cathédrale Notre-Dame – Lundi 2 novembre 2015

Lectures : Actes des Apôtres (10, 34a.37-43) ; Psaume 26 ; évangile selon saint Jean (19, 17-18.25-39)

homélies 4 défuntsQui d’entre nous fait le malin devant la mort ? Qui d’entre les hommes fait le malin devant la mort ?

Ce matin, nous prions parce que la mort est un mystère. Le Concile Vatican II affirme que la mort est comme le sommet de l’énigme de la condition humaine (cf. Gaudium et spes 18). Frères et sœurs, nous sommes atteints par la mort d’une manière ou d’une autre. Il y a la mort de proches qui nous atteint plus particulièrement ; il y a des morts particulièrement injustes d’enfants, de jeunes, à la suite d’accidents, d’imprudence, de guerre. Que dire quand un proche se donne la mort ?

Le même Concile invite à regarder le Christ pour mieux comprendre notre humanité (cf. Gaudium et spes 22). Osons ce regard ! Que voyons-nous ? Jésus, le fils de Dieu, le fils de Marie n’évite pas la mort. Saint Jean raconte en quelques lignes la crucifixion, la mort même, la descente de la croix et la mise au tombeau. Il y a quelques temps, après un chemin de croix, si j’ose dire grandeur nature, une jeune de 20 ans me dit : « alors, il est vraiment mort comme ça ». Oui, il est vraiment mort sur une croix : ils « l’ont supprimé en le suspendant au bois du supplice », proclame Pierre chez Corneille.

Le disciple de Jésus peut-il s’y habituer ? C’est un risque, celui de dire : pour lui, ce n’est pas pareil, il était fils de Dieu. Non, pour lui, c’était pareil ou plus douloureux, plus douloureux car il emportait dans sa mort toutes nos morts. Son combat était d’engloutir avec lui toutes les forces du Mal : Il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable (Ac 10, 38).

En mourant, il continue de faire le bien. Il fait le bien suprême, il détruit notre mort : Tout est alors accompli (Jn 19, 30).

Au moment le plus intense de la mort de son fils, la résurrection est déjà dans le cœur de la Vierge Marie, la nouvelle Eve, la mère des vivants. Dans un surcroît de tendresse et d’amour, Dieu ne laisse pas la terre sans une petite lumière, une source de vie éternelle. Marie pleure, Marie, la croyante, espère. Quelques hommes suivent dans la foi : Jean, Joseph d’Arimathie, Nicodème … Ils accomplissent des gestes élémentaires d’humanité, comme ceux que nous pouvons accomplir en allant sur la tombe de  nos proches.

Plus tard viennent les premières lueurs de la résurrection : Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance … (Ac 10, 40-41).

Frères et sœurs, où en êtes-vous ce matin de votre regard sur Jésus qui meurt et mis au tombeau ? Où en sommes-nous ? Loin comme la plupart des apôtres ? Proche avec Marie ? Dans la révolte ou le combat ? Dans l’espérance qu’ouvrent quelques témoins ? Il est probable que notre assemblée comprenne toutes ces attitudes ; il est possible que dans notre cœur se succèdent ces sentiments, et c’est bon. C’est bon si nous nous ouvrons les uns aux autres pour présenter à Dieu les craintes et les espérances de notre humanité.

Dans chaque eucharistie, se renouvelle le passage, la pâque, le passage de la crainte à l’espérance, de la tristesse à la joie. Mais passer avec Jésus les ravins de la mort n’est pas une promenade. Nous avons bien besoin les uns et des autres.

Les défunts aussi ont droit à notre prière même si ou car nous ignorons le chemin qui s’ouvre pour chacun au moment de la mort. Nous le faisons dans la foi et l’espérance du cœur  de Jésus. Sur la croix, il laissa couler de l’eau et du sang (cf. Jn 19, 34) c’est-à-dire la vie et l’amour. A peine Jésus a-t-il rendu l’esprit que son cœur laisse apparaître le sens du don de sa vie : communiquer sa vie, son amour. Laissons-nous réconforter par cet amour.

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen