Attentats de Paris

– Message et homélies de Mgr Dominique Lebrun

– Lettre au Préfet des représentants des religions de Seine-Maritime

 

Message de l’archevêque de Rouen
 suite aux attentats de Paris


La mort n’a pas d’avenir

Nous sommes sous le choc. La mort a trouvé des faux-amis pour frapper aveuglément. Des lieux de fêtes sont devenus des lieux de deuil. Nous voulons exprimer notre sentiment d’horreur devant cette violence qui se rapproche, notre incompréhension et notre révolte aussi. Des personnes et des familles sont englouties par les forces du Mal. Nous leur exprimons toute notre solidarité qui se fait prière, supplication.

Où cela mène-t-il ? La mort n’a pas d’avenir. Nous le croyons depuis Jésus crucifié par le péché des hommes. N’est-il pas encore crucifié à nouveau en ces hommes et ces femmes mis à mort, en ces familles endeuillées ?

Notre-Dame-de-Bon-Secours-SJe vous invite à un sursaut de vie et d’amour avec celui qui est né à la résurrection, celui qui n’a jamais quitté le cœur de la Vierge Marie de Nazareth à Jérusalem. Je vous donne rendez-vous demain dimanche à 15h à la basilique Notre-Dame de Bonsecours. Nous prierons Marie, notre secours. Nous prierons Jésus, son Fils ressuscité, le véritable avenir de l’humanité

Ceux qui ne peuvent pas venir pourront s’unir par la prière, chez eux ou avec quelques autres frères et soeurs. Nous écouterons la Parole de Dieu, la Parole de vie. Prenez en main votre chapelet, l’arme des pauvres et des pacifiques.

Non, la mort n’a pas d’avenir. Prions.

 + Dominique Lebrun


Samedi 14 novembre 2015


 

Messe du trente-troisième dimanche du temps ordinaire (année B)
Cathédrale Notre-Dame – 15 novembre 2015

Homélie de Mgr Dominique Lebrun

Un temps de détresse ?

Frères et sœurs, nous avons dans la tête et le cœur les attentats commis à Paris vendredi soir. Comment, dès lors, avons-nous entendu la Parole de Dieu proclamé en ce jour ?

« Ce sera un temps de détresse, comme il n’y en jamais eu », annonce le prophète Daniel (Dn 12, 1). Les événements sont très graves, le terrorisme est mondialisé comme notre vie. La mort a trouvé de faux-amis pour frapper aveuglément et engloutir des familles dans le deuil.

Hier après-midi, responsables des différents cultes musulmans, protestant, catholique, nous avons éprouvé le besoin de laisser nos activités pour nous réunir. Deux réactions me touchent. Le vice-président du Conseil Régional du Culte Musulman, M. Karabila Mohammed, dit toute l’inquiétude de sa communauté. Il n’a pas fermé l’œil car, sans cesse toute la nuit, des membres de sa communauté l’appelaient.  Ils disaient leur crainte d’être associés à ce crime.

Le pasteur Zoltan Zalay, de l’Eglise protestante unie,  ose nous inviter à une mémoire pas trop courte. Bien sûr, nous allons affirmer que cela n’a rien à voir avec Dieu, qu’invoquer Dieu en tuant est un non-sens … mais ne l’avons-nous pas fait dans notre histoire ? Nous commémorons ces jours la fin d’une guerre qui a fait des millions de morts en Europe … n’était-ce pas une guerre entre chrétiens et pour défendre des valeurs que notre foi pouvait nous inspirer ?

Le père Emile Paillette, curé de la paroisse Saint-Ouen d’Offranville – Pointe d’Ailly, avec qui je célébrais hier soir ajoutait : « Nous vivons à peine ce que vivent au quotidien depuis des années les populations d’Irak ou de Syrie ! ».

Comment vivre ce « temps de détresse » en disciples de Jésus ?

« Quand le pardon est accordé, on n’offre plus de sacrifice », dit la lettre aux hébreux (He 10, 18). Elle rappelle « l’unique sacrifice du Christ offert pour les péchés » (10, 12). Notre horizon est celui de Jésus crucifié, celui du pardon : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34), dit Jésus en croix.

L’homme, la femme, l’enfant, le vieillard est fait pour l’amour et non le meurtre. Cela est vrai pour les victimes, bien sûr, mais aussi pour les bourreaux. Nous croyons que chaque personne humaine porte en elle-même l’image de Dieu amour … mais son péché l’obscurci ; le péché, c’est comme si le soleil s’obscurcissait, comme si la lune ne donnait plus sa clarté, comme si les étoiles disparaissaient (cf. Mc 13, 24-25). C’est vrai aussi pour nos mensonges, nos guerres en famille, notre égoïsme, nos jalousies, nos injustices.

Dieu ne cesse de nous appeler, de nous rappeler à notre véritable dignité, à notre véritable vocation : « Le Fils de l’homme enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel », dit Jésus (Mc 13, 27). Il n’y a pas de salut, il n’y a pas d’amour, il n’y a pas de paix, qui soient réservés à la Normandie, à la France, à l’Europe sans l’Irak, sans la Syrie, sans le Nigéria, sans le Soudan, sans la Birmanie, sans la Chine, sans les pauvres du sud.

Recoller à notre avenir en Dieu, c’est le projet de Jésus qui est inscrit au fond de toute personne humaine. Avant la venue de Jésus, l’humanité pensait le retrouver en offrant des sacrifices à Dieu comme pour l’apaiser ; en chargeant des animaux de nos péchés et en les consumant dans le feu. C’étaient, au sens littéral, les boucs émissaires, chargés de faire disparaître notre haine, notre péché.

Seul l’Envoyé du Père, Jésus, pouvait réaliser la destruction du péché qui offense Dieu. C’est le sacrifice de la Croix, l’unique sacrifice accompli dans l’unique amour pur et total qui, venant de Dieu, s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie. Jésus nous arrache à la puissance des ténèbres en donnant sa vie. Par lui, nous renaissons à la vie éternelle.

La tentation est forte de revenir aux boucs émissaires : c’est la faute des éducateurs, c’est la faute des parents, c’est la faute de ceux qui gouvernent, c’est la faute des jeunes, c’est la faute des étrangers, c’est la faute des musulmans … « Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché ». Ne faisons pas de groupes humains des boucs émissaires à sacrifier.

Sur l’autel de nos églises, se renouvelle à chaque eucharistie l’unique sacrifice. Notre vocation est de nous unir à Jésus. Il s’offre pour retirer en nous et avec nous le Mal qui rôde et cherche sa proie.

Rappelons-nous la prière qu’il nous a apprise, le « Notre Père ». Elle révèle notre vraie dignité d’enfants de Dieu. Elle se termine par « Délivre-nous du Mal » !

Puisse la célébration de ce matin nous unir davantage à Jésus pour nous rendre l’espérance d’un salut pour toutes les nations !

Puisse notre célébration nous faire renoncer à toute accusation qui ignore le geste d’amour de Jésus pour tous !

Puisse notre célébration nous ancrer dans la confiance en Jésus, unique Sauveur !

Puisse Jésus convertir le cœur des ennemis de l’amour, n’est-ce pas aussi un peu le nôtre ?

+ Dominique  Lebrun
Archevêque de Rouen.

Texte de la messe : Livre de Daniel (12, 1-13) – Psaume 15 – Lettre aux Hébreux (10, 11-14.18) – Evangile selon saint Marc (13, 24-32)


 

Notre-Dame de Bonsecours – Rouen

Dimanche 15 novembre 2015 à 15h

Rassemblement pour un temps de prière suite aux attentats du vendredi 13 novembre 2015 à Paris

 

 

–         Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit

–         Amen

–         La paix soit avec vous

–         Et avec votre esprit.

 

Introduction

Il est bon de nous retrouver nombreux auprès de notre Mère, Mère de miséricorde. Il est bon de nous retrouver pour prier avec la Mère des vivants, la nouvelle Eve. Ce que son Fils est venu inaugurer, c’est une humanité nouvelle. Elle tarde à venir. Prions, prions vraiment. Supplions, ouvrons notre cœur. Marie a ouvert son cœur à l’Esprit Saint. Marie est restée fidèle à l’amour. Notre humanité est blessée, défigurée. Nous pensons, en particulier, aux victimes récentes, à toutes les victimes de ces attentats qui ont lieu à Bagdad, à Damas, à Mossoul, en Afrique, à Paris … faisons silence quelques instants.

 

Homélie

Près de la croix se tenait Marie, déjà « Notre-Dame de Bonsecours ». Près de la croix se tenait Marie qui a choisi de choisir tout, qui a choisi d’aimer, d’aimer totalement, d’aimer son Fils dans son sein, d’aimer son Fils qui vient de naître, d’aimer son Fils qui grandit, d’aimer son Fils défiguré sur la croix. Jésus n’a même plus de vêtement : pendant que se joue la plus grande injustice, la crucifixion du Fils du Dieu vivant, quelques-uns en sont réduits à tirer au sort sa tunique. Mais cela fait aussi parti de ce que Marie choisit : aller avec son Fils jusqu’au bout de l’amour. Ce Fils devient, à cet instant, le nouvel Adam, la nouvelle humanité encore défigurée par le péché des hommes, mais pas vaincue ; la victoire est là sur la croix : Jésus aime jusqu’au bout.

Marie recueille cet amour. Elle choisit tout, l’épreuve et la promesse, c’est peut-être ce que nous n’arrivons pas à faire. Baptisés, disciples de Jésus, nous avons accueilli la promesse, la promesse du bonheur, la promesse de la vie éternelle, la promesse du Royaume, la promesse d’être accueilli par le Père de tous les hommes. Mais l’épreuve, l’accueillons-nous ? Ou sommes-nous comme le roi Achaz qui pense que Dieu ne se mêlera jamais à notre infirmité. Dieu a choisi de nous rejoindre dans notre humanité, de prendre sa croix, de prendre notre croix et de nous inviter à le suivre à la suite de Marie.

Nous n’avons qu’un choix à faire – pas entre l’épreuve et la promesse-, le seul choix que nous avons à faire c’est celui de l’amour, le seul choix que nous avons à faire, c’est celui de l’amour jusqu’au bout. Ne nous trompons pas de combat, le seul combat, c’est celui de l’ange contre le dragon, c’est celui de la femme contre le serpent ; nous n’avons pas à mener de combat contre des hommes car aucun homme n’est le mal incarné quel que soit ce qu’il a pu commettre. Tout homme, toute femme, tout enfant, tout vieillard qui vient au monde vient au monde parce que Dieu l’aime et ne cessera de l’aimer, même s’il est défiguré, même s’il semble renoncer à sa dignité. Le seul choix que nous avons à faire, c’est celui de l’amour. Le dragon, le serpent, Satan, peu importe son nom, ce n’est pas un homme, ce n’est pas une femme. Satan essaye de nous mettre à genoux. Le seul choix que nous ayons à faire, c’est de nous mettre nous-mêmes à genoux, de ne pas nous laisser mettre à genoux par le mal, c’est de nous mettre à genoux devant la source de l’amour, devant l’amour même, devant celle qui a donné vie à Celui qui a vaincu définitivement le serpent, dragon, Satan.

Cet après-midi, je rends grâce à Dieu que nous soyons venus nombreux nous mettre à genoux, supplier. Se mettre à genoux, c’est reconnaître avec humilité que nous avons, nous aussi, nos propres infirmités, nos propres incapacités à marcher au rythme de l’amour. Se mettre à genoux, c’est accepter d’avance la promesse d’être mis debout par le Père qui, dans un même mouvement, ressuscite son Fils, garde Marie dans l’amour et nous relève, nous dit : «  viens, suis mon Fils, suis sa mère, écoute-le, marche, viens, ne fuis pas l’épreuve ». Nous n’avons pas d’autre choix que d’écouter la Parole de Dieu qui nait déjà dans notre cœur … sans elle, nous ne serions pas là. Elle est déjà dans le cœur de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté qui, aujourd’hui, se révoltent contre la mort, contre ces semblants de victoire de la mort. Percevoir au fond de nous-mêmes ces souffrances, participer comme de l’intérieur à l’épreuve des familles aujourd’hui endeuillées, du monde endeuillé, c’est déjà demander à Dieu la grâce que ce ne soit pas seulement l’émotion qui nous rassemble mais la décision d’écouter davantage l’amour qui va jusqu’au bout, l’amour qui pardonne.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

 

+ Dominique  Lebrun

 


 

 

PRIERE

Dieu fort qui détestes la guerre, Dieu juste qui démasques tout mensonge,

attaque-toi, autour de nous et en nous-mêmes,

aux forces orgueilleuses du mal qui engendrent les atrocités et les souffrances.

Ouvre notre cœur à ta Parole et à l’action de ton Esprit,

rends-nous la paix et la confiance dont nous avons besoin.

Que la Vierge Marie, mère de tendresse,

dont le cœur a été blessé lorsque ton Fils mourait sur la croix,

nous accompagne aujourd’hui et dans ces jours troublés.


 

 

Message des religions de Seine-Maritime

Samedi 14 novembre 2015

La religion est bafouée

 

Monsieur le Préfet,

Les attentats de Paris nous bouleversent. Nous nous associons à toute la société pour dire notre compassion envers les familles des victimes. Les croyants sont révoltés. Nous sommes inquiets : la religion est déformée, bafouée.

Nous voulons affirmer avec la plus grande force que nos communautés serviront la paix jusqu’au bout. Dieu est pour nous une source d’amour qui ne peut que combattre la haine. La diversité de nos traditions ne peut pas nous opposer.

Nous voulons vivre dans la fraternité. Nous le faisons déjà dans notre immense majorité par le voisinage de tous les jours. Personne ne doit être stigmatisé à cause d’actes inhumains. Ces meurtres n’ont pas de place dans nos religions : la vie est sacrée. Nous le disons avec humilité au regard de notre histoire. Nous croyons que des progrès sont possibles sur notre planète. Et nous nous engageons à inviter nos fidèles à se rencontrer, à se parler et à s’aimer.

Chaque croyant, chaque croyante veut être artisan de paix. Nous utiliserons les armes qui sont les nôtres : la prière et l’amitié. Nous voulons dire à l’autorité de l’Etat notre disponibilité à continuer de travailler sans arrière-pensée pour le vivre ensemble.

Avec notre sympathie et notre confiance dans la mission qui est la vôtre au service de la justice et de la paix.

 

Pasteur ZOLTAN ZALAY, pour la Fédération protestante de France en Haute Normandie

 

M. KARABILA MOHAMMED, Conseil régional du culte musulman (CRCM)

————M. BACHAR EL SAYADI, Union de musulmans de Rouen (UMR)

 

Père YVES COLIN, Eglise orthodoxe roumaine à Rouen

 

Mgr DOMINIQUE LEBRUN, archevêque de Rouen, Eglise catholique.

 

En solidarité avec le pasteur LUC RÉAUX, Eglise évangélique, et avec le Rabbin MICHAËL BITTON, synagogue de Rouen, absents de Rouen.