Commentaire biblique sur RCF (Jacques Lecoq)- semaine du 11 au 15 avril 2016

 Lundi 11 avril 2016

3ème Semaine de Pâques

(Ac. 6,8-15 ; Ps 118 ; Jn 6,22-29)

 

 

      Lors de la liturgie du Dimanche de Pâques  ( en Ac. 10,34) nous avons entendu l’apôtre Pierre proclamer à Césarée «  vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance… Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem…

         Durant tout ce mois, la liturgie nous convie à visiter les premières communautés Chrétiennes.

         Au chapitre 6 des Actes des apôtres, sous la plume de Luc, il nous est dit que, dans le but de proclamer la Parole de Dieu, les douze apôtres invitent les disciples à choisir  parmi eux sept frères pour aider la communauté. Le choix porta notamment sur Etienne. Les apôtres, après avoir prié, leur imposèrent les mains .

Evangile Jn 6,22-29 

         J’emprunterai à Xavier LEON-DUFOUR son commentaire sur le passage de l’Evangile de Jean en son chapitre 6 :

         «  Le récit ne se termine pas avec l’arrivée – en barque –  des disciples à Capharnaüm, car il concerne aussi la foule à laquelle Jésus a donné un pain surabondant ; c’est ce que, discret, le texte rappelle au v. 23 en mentionnant l’endroit où l’on avait mangé le pain. La foule, que le miracle avait enthousiasmée, persévère dans sa quête d’un tel thaumaturge. Elle a constaté qu’il n’était pas parti avec les disciples, et voici qu’elle se trouve devancée par lui à CAPHARNAÜM. Delà sa question «  Rabbi », adresse un peu surprenante de la part de ceux qui l’avaient acclamé comme prophète. »

         La sagacité des critiques a été mise à l’épreuve pour traduire les verbes grecs au v. 24 : Quelle est cette flotille venant à point nommé pour transporter tant de gens ? «  elle vit ».  «  L’endroit où les barques sont venues est auprès de celui «  où l’on avait mangé le pain (non les pains !), après que le Seigneur (non pas Jésus !) eut rendu grâces (eukharistesas) en langue grecque du v. 11. euvcaristh,saj  »  .

         Une évidence s’impose : la foule sait que Jésus n’a pas  voyagé avec ses disciples dans l’unique barque disponible. »

         «  La foule est déroutée », elle avait cru maîtriser l’identité de Jésus (6,14) et avait voulu «  s’emparer de lui » …

         L’évangéliste pourrait suggérer davantage : … la troisième tentation de Satan (selon l’ordre de Luc 4,9-12) … Or loin de tirer de la circonstance un argument en faveur de sa condition surhumaine, Jésus ne répond pas à la question posée, mais Jésus interprète à la foule et aux disciples le signe des pains.

         PS 119,27 (118)

         Avec le psalmiste disons au Seigneur :

         « Fais-moi discerner la route de tes préceptes ; je m’épanche en tes merveilles »  

[1]  In Lecture de l’Evangile selon Jean, T. ll, de X. LEON-DUFOUR, nov 1970, p. 124 svts.

Mardi 12 avril 2016

3ème Semaine de Pâques

(Ac. 7,51 à 8,1a ; Ps 30 ; Jn 6,6,30_35)

 

          Dans les Actes des apôtres, hier, nous avons assisté à l’arrestation  d’Etienne,  l’un des sept disciples de Jérusalem choisi pour aider les apôtres et annoncer la Bonne Nouvelle.  Arrêté et emmené devant le Sanhédrin, sommé de s’expliquer, Etienne, dans un long discours citant les Ecritures, présenta l’histoire du salut.

         Emmené et chassé hors de la ville il fut lapidé.

         « Saul approuvait le meurtre d’Etienne (v.8,1a)… »

         En lisant posément ce texte dans votre Bible et en recherchant les renvois aux Ecritures vous constaterez les nombreuses citations, des  renvois de Luc à des versets de l’ancien testament .

 

         Jn 6,30-35

         Le discours sur le Pain de vie  donne toute sa profondeur de sens au « signe du pain » tel que nous l’explique Xavier LEON-DUFOUR dans son ouvrage sur l’Evangile de Jean [1].

         « v.31. Un pain du ciel/ il leur a donné à manger » est une citation du Livre de l’Exode. La première partie du discours de Jésus (6,35-47) concerne le pain «descendu du ciel » ; la seconde partie (6,48-58) – texte de demain – reprend avec insistance le verbe «  manger », jusque-là absent.

         Le dialogue entre Jésus et les Galiléens a pour fonction de faire articuler, au terme, une demande explicite : «  Seigneur donne-nous ce pain là, toujours (v.34). Quant au contenu, il pose d’entrée de jeu le thème d’une nourriture relative à la vie éternelle et le thème de la foi en l’envoyé de Dieu, condition du salut. Le mouvement d’ensemble va sans cesse du don au donateur : le Fils de l’Homme (v. 27) et, en définitive, le Père .(v.32).

         Trois étapes sont proposées :

         – Ceux qui ont reçu en abondance des pains sont invités à désirer un pain qui demeure, donné par le Fils de l’Homme, et pour cela faire quelques chose (v. 26-28)

         ( puis Jésus leur précise que ce «  faire » consiste dans l’accueil de sa personne d’Envoyé ((6,29-31) ;

         – enfin il leur révèle que le Père est le donateur du véritable Pain, celui qui donne vie au monde ; ils s’empressent alors de demander ce pain (6,32-34).

         «  Seigneur, donne-nous ce pain-là, toujours ! (v. 34) »

         Le verset 35 nous apporte la réponse :

         « Jésus leur dit :

         «  C’est moi le pain de vie,

         Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim,

         Celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif, jamais ! »

         On peut ajouter une remarque, la distribution du passage ressemble fortement à celle du dialogue de Jésus avec la Samaritaine 

                                                       

         Avec le Psalmiste (Ps 30(31) proclamons :

         «  sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;

         « Sauve-moi par ton amour.

         Tu combles, à la face du monde,

         Ceux qui ont en toi leur refuge »

mercredi 13 avril 2016

3ème Semaine de Pâques

(Ac. 8,165,1; Ps 65; Jn 6,35_40)

 

         Le jour de la mort d’Etienne, éclata une violente persécution contre l’Eglise de Jérusalem. Tous se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie, à l’exception des apôtres … Ceux qui s’étaient dispersés annonçaient la Bonne Nouvelle de la Parole où ils passaient ! »

Ceci nous conduit à redire l’invocation du Pape François au Colisée le 25 mars dernier :

         « Ô Croix du Christ nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages « des enfants, des femmes et des personnes, épuisées et apeurées qui fuient les « guerres et les violences et ne trouvent souvent que la mort et tant de Pilate « aux « mains lavées. »

 

         Evangile selon St Jean (6,35-40)

         Avec l’évangéliste Jean poursuivons au chapitre 6 la lecture de l’enseignement de Jésus sur le Pain de Vie.

         Tout d’abord mon propos a toujours pour source l’ouvrage de Xavier LEON-DUFOUR cité précédemment.  En ce texte Jésus ne révèle pas seulement qu’il est l’envoyé par qui le Père réalise ses promesses d’alliance, donc le Messie attendu ; il ne dit pas seulement qu’il est lui-même le pain Parole descendu du ciel, dévoilant ainsi son origine divine : il précise comment il donnera la vie au monde : par le don de sa personne à travers la mort librement consentie…

         Le discours a révélé où conduit la foi que Jésus demande : à l’union avec lui-même vivant par le Père. Jésus promet en ce texte, à travers le langage «manger/boire », son inhabitation dans le croyant : en lui le croyant aura part à sa vie de communion avec Dieu. Telle est la lecture symbolique du texte au premier temps : le symbolisant est le pain, le symbolisé est la communication du croyant de la vie propre de Jésus.

         A la demande des Galliléens rapportée au verset 34, Jésus répond d’entrée de jeu : C’est moi ce pain que vous souhaitez recevoir. Ce n’est pas une proclamation dans l’absolu, ce que laisserait entendre la traduction «  Je suis le pain de la vie ». En disant «  c’est moi… » Jésus utilise un processus d’allégorisation »  Puisque le «  pain de Dieu se présentait comme la réalisation de la manne, Jésus accomplit en sa personne la figure de la manne eschatologique.[1]

         Avec Jésus les temps sont accomplis, le désir sera comblé, comme il l’a été de manière symbolique par le rassasiement des convives.

         L’appel de Jésus est formulé de manière impersonnelle ; il s’adresse non seulement aux Galiléens, mais à tout auditeur de la Parole.  Cette formulation généralisante va continuer dans les versets qui suivent.

         Nous pouvons continuer notre échange avec la liturgie de ce jour :

 

«  Alleluia. Alleluia. Celui qui voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle, dit le Seigneur ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

[1] Une partie de ce chapitre 6 de St Jean évoque de nombreux verset de SI 24,19.21 ; Pr 9,5 ; Is. 48,21 et 49,10…

Jeudi 14 avril 2016

3ème Semaine de Pâques

(Ac. 8,26_40 ; Ps 65 ; Jn 6,44_51)

 

L’antienne d’ouverture nous fait revivre le chant de triomphe des Hébreux dans la plaine des joncs au Chapitre 15 du Livre de l’Exode : «  Je chanterai à l’Eternel, car il a fait éclater sa gloire ; Il a précipité dans la mer le cheval et son cavalier… » !

 

         Evangile selon St Jean, 6,44-51

         Reprenons la lecture du Chapitre 6 de l’Evangile selon St Jean à l’endroit où nous nous sommes arrêtés hier, en suivant toujours l’éclairage tracé par Xavier LEON-DUFOUR. [1]

         «  v. 41 : Les juifs murmuraient (au sujet de Jésus) par ce qu’il avait dit : «  c’est moi le pain de vie ». Ce verbe « murmurer » du verset 41 et repris au vt 43 assimile les auditeurs de Jésus à la génération du désert : ils « murmurent », tels leurs ancêtres à « la nuque raide » qui, tenaillés par la faim, reprochaient à Moïse de les avoir faits sortir d’Egypte ? Le lien entre les deux textes est le manque de foi (Ex 16,7-8).

         Affronté à l’objection de sa naissance, Jésus maintient son origine divine en explicitant déjà la descente du ciel : il est « d’auprès de Dieu » et « a vu le Père (v. 46) » à la différence de tous les autres hommes. Nous entendons résonner ici le dernier verset du Prologue – personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique … qui est vers le Père… » Chacun de nous en remémore la finale : le Fils est venu manifester aux hommes le Père. Mais la parole de Jésus est précédée dans les péricopes lues ce jour de deux versets (6,44 et 45) où le mouvement de la pensée va à l’inverse de celui du Prologue : ce n’est pas le Fils qui fait connaître le Père, mais le Père qui, attirant les hommes, les oriente vers le Fils. En disant qu’il ne peut être connu sans l’action prévenante de Dieu, Jésus suggère, du fait même, sa condition divine. Dieu qui est à l’origine et au terme de sa mission est aussi à l’origine de l’accueil à son égard. Et tout comme, dans le premier volet, du développement, l’Envoyé descendu du ciel ne vivifie qu’en faisant sienne la volonté du Père (vv 38-40), de même ici ceux à qui Jésus est envoyé ne peuvent recevoir la vie sans docilité intérieure au Père.

         « Tous seront enseignés par Dieu » : il est fait référence à des versets du Prophète Isaïe (Is 54,10 ; 55,3 ; 59,21 ; 61,8) au temps de l’accomplissement. Il annonce que l’Alliance « éternelle » sera réalisée lorsque, pour le dire avec Jérémie auquel se rattache l’oracle isaïen, la Loi ne sera plus seulement proposée d’en haut, mais inscrite dans les cœurs (Jr 31,33-34). Tout passe par Jésus et cependant tout procède du Père et tout aboutira au Père.

         Jésus est le pain vivant qui se donne à manger. La formulation «  c’est moi le pain de vie » du vt 35a revient à quatre reprises dans les vt 50-51, au terme desquels il est identifié avec la chair de Jésus, pour réapparaître avec insistance au v. 58.

         Le pain du ciel qu’est Jésus abolit à jamais la mort pour celui qui en mange.

 

         Pour conclure

         Relisons ensemble l’antienne de la communion tirée de la 2ème lettre aux Corinthiens (2 Co 5,15) :

         «  Le Christ est mort pour tous, afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui qui est mort et ressuscité pour nous, Alléluia ! »

[1] Lecture de l’Evangile selon Jean, T. ll, p. 152 s in Ed Le Seuil nov. 1990

vendredi 15 avril 2016

3ème Semaine de Pâques

(Ac.,9,1-20 ; Ps 116 ; Jn 6,52-59)

 

         Evangile Jn 6,52-59.

         Nous continuons ce matin la lecture du Chapitre sixième de l’Evangile selon Saint Jean  à la lumière de Xavier LEON-LACROIX

         Les juifs avaient écouté les paroles de Jésus (v 51) «  Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de pain, il vivra pour toujours. Le pain que je donnerai c’est ma chair ; je la donne pour que monde vive ! »

         La métaphore du pain est maintenant décodée : en cette nouvelle annonce, Jésus l’interprète en clair. Que signifient précisément les trois termes «  chair », «  donner » et « pour » ?.

         – Par «  chair » (sarx) Jésus n’entend pas la substance de l’organisme humain, mais lui-même en sa condition mortelle. Le mot «  chair » dans le Prologue caractérise le mode de présence du Logos parmi nous (Jn 1,14) ; il maintient donc ici la pensée du mystère de l’Incarnation, que le discours a mis en relief par le thème de la descente du ciel.

         – Quant au choix de «  donner » il provient sans doute de son emploi récurrent dans le chapitre : lors du signe des pains, puis dans la bouche des juifs et dans l’annonce de la nourriture céleste.

         – La préposition «  pour » indique, chez Jean, le sens « en faveur de », la finalité du don que Jésus fait de sa vie pour ses  brebis, pour le peuple, pour les nations, pour ses disciples…

         Cet ensemble signifie, par le terme « chair » (sarx), l’effet vivifiant de l’Incarnation et aussi, par le futur «  je donnerai », la mort de Jésus comme source de vie pour le monde. La «  chair » est ici le référent du pain, objet direct du verbe «  donner ».

         Le verset 52 met en relief l’indignation et l’objection des juifs : «  comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ! »

         «  Manger » signifie assimiler ce don, en vivre. Cette symbolique est maintenue tout au long du discours. Les juifs récusent que le salut universel, et d’abord le leur, puisse provenir du don de soi d’un homme. Ils se refusent à dépendre radicalement, pour la vie éternelle, de ce Jésus qui leur parle, dépendance intolérable et même sacrilège pour qui ne connait de Sauveur que Dieu. La première objection exprimait le refus de l’Incarnation du Logos, la deuxième nie que la mort de Jésus soit source de vie pour tous les hommes. C’est le scandale de la croix qui affleure ici.

         Il nous faut donc rechercher avant tout ce que l’apôtre Jean a voulu signifier au premier temps :

         Le texte reprend par une parole solennelle de Jésus (verset 53) Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme et ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous …»

         Le dernier verset (v.58) fournit la conclusion à ce passage. Ces versets 53-57 et 58 constituent la réponse de Jésus à l’objection des Juifs. Le discours entier est régi de bout en bout par la symbolique sapientielle de la nourriture, selon laquelle le signifié est la Parole Divine, source de salut lorsqu’elle est mangée, c’est-à-dire pleinement accueillie par l’homme. Les juifs avaient désigné Jésus comme un «  quidam » – (celui-là) – persistant à ne voir en Lui qu’un individu comme les autres, d’où le rejet de son annonce. En réalité, celui qui leur parle n’est pas de cette création, il appartient au monde d’en haut : Le Fils de l’Homme. Le lecteur sait que «  Le Fils de l’Homme » est en communication permanente avec le ciel (1,51), qu’il en est descendu pour être « élevé » (3,14) et qu’il y remontera (6,62).

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         Il nous faut conclure ce commentaire par le rappel du psaume 116 (117) le plus court de tout le psautier par ce chant de louange :

         «  Louez le Seigneur, vous tous ô Peuples, glorifiez-Le, vous toutes les Nations,

         « Car immense est sa Bonté en notre faveur, la Vérité » du Seigneur demeure à Jamais. »

         « Alléluia ! »