Homélie de Mgr Dominique Lebrun

– Homélie de Mgr Dominique Lebrun

 A vous d’en être les témoins (Evangile selon saint Luc 24, 48).

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photo Michael Bunel/CIRIC

Frères et sœurs, je vous propose d’accueillir cette petite phrase comme un trésor. C’est l’une des plus belles paroles de Jésus ressuscité, une parole qui fait confiance, une parole sur laquelle le Père Jacques Hamel a donné sa vie : A vous d’en être les témoins ! C’est une parole de confiance et, comme toute parole de confiance, une parole d’amour : c’est à vous de jouer, c’est à toi de jouer… c’est à vous de jouer, pas n’importe comment, mais comme mes témoins, dit Jésus.

Cela fait deux mille ans que la croix est dressée, que la lumière est allumée, celle à laquelle croient les chrétiens à la Résurrection, et sont transmises par des témoins. Les assassins du Père Jacques ont arraché une croix ; ils ont brisé un grand cierge de Pâques. Mais ils n’ont pas pu arracher du cœur du Père Jacques sa vie donnée ; Ils n’ont pas pu briser son espérance qui, la veille, me dit-on, rayonnait plus que d’habitude.

Ils ont arraché une croix en métal ; ils en ont dressé une autre dans nos cœurs, plus réelle, plus douloureuse, plus forte : la mort de votre prêtre, la mort de votre frère, la mort de votre oncle, la mort de votre ami, la mort de votre témoin. Ils ont brisé un cierge en cire ; ils ont alors allumé une lumière plus forte, plus profonde dans nos cœurs ! Nous sommes ici pour en témoigner ! Pour les disciples de Jésus il n’y a pas de mort sans espérance de résurrection, sans résurrection : « Ainsi est-il écrit », dit Jésus, « que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour ».

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photo Michael Bunel/CIRIC

Les témoins, qui sont-ils aujourd’hui ? Ce sont bien sûr vous, sœur Danielle, sœur Huguette, sœur Hélène, Jeannine et Guy Coponet ; les témoins ce sont aussi les forces d’intervention, les responsables de la vie publique, les secours. Merci à eux pour leur témoignage.

Les témoins ce sont vous les stéphanais, ce sont vous les paroissiens dont le père Jacques était si proche. C’est toi qui as été marié et est revenu à la messe à Pâque dernier. C’est toi qui as fait baptiser ton enfant et qui avait promis de revenir. C’est toi à qui le Père Jacques a parlé de Jésus en faisant un dessin au tableau de la salle paroissiale. C’est toi qui l’a rencontré dans l’école Jeanne d’Arc. C’est toi qui aides à l’église fidèlement ou dans les activités paroissiales. C’est toi, son frère dans le sacerdoce qui le retrouvait chaque mois… c’est toi et bien d’autres croyants ou incroyants qui sont les témoins.

Les témoins, ce sont vous tous si vous le voulez bien. Ne sommes-nous déjà que trop témoins des croix du monde, celles des pays exploités et bombardés, celles des familles déchirées, celles de jeunes ni aimés ni éduqués ; celles d’enfants envoyés à la guerre ; celles de chômeurs longue durée, celles de migrants rejetés ? Les témoins, ce sont nous tous, si nous le voulons bien.

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photo Michael Bunel/CIRIC

Et comment ne pas vouloir qu’à la croix succède la lumière, qu’à ces croix succèdent des résurrections, qu’à l’offense succède le pardon, qu’à la souffrance succède la joie, qu’à  la haine succède l’amour ? Comment ne pas vouloir qu’à la suspicion entre communautés succèdent le respect et l’amitié ? Comment ne pas vouloir tout simplement qu’à la guerre succède la paix ? « A vous d’en être les témoins », vous dit Jésus, comme une parole d’or, une parole d’amour.

Comment être témoins ? Comment ne pas être résigné devant ces croix ?  Comment ne pas être passifs ou simplement apeurés ?

« Ainsi est-il écrit… continue la phrase de Jésus « que la conversion serait proclamée à toutes les nations pour le pardon des péchés ».

La conversion, c’est la grâce que je demande au Seigneur pour moi et pour vous. La conversion est l’âme du témoin ! Si j’ose dire la seule arme du témoin ! Se convertir pour devenir un témoin authentique de l’amour. La conversion, ce n’est pas changer de religion comme on change d’idée ou de bulletin de vote, cherchant sa sécurité au détriment des autres.

La conversion c’est risquer, risquer l’accueil de l’amour de Dieu, qui nous emmène loin, qui éclaire mon intelligence et change mon cœur, qui les fait passer des idées noires à la lumière de l’amour, un amour proclamé à toutes les nations. La conversion, c’est être touché par Dieu qui me pardonne, moi pécheur, un parmi les habitants de toutes les nations, mais que, Dieu le Père prend dans ses bras et me dit avec douceur : tu es mon enfant, en sachant qu’ainsi il me fait frère ou sœur de tous ses autres enfants du monde.

Devenir témoin, c’est croire en ce pardon donné pas seulement à moi, pas seulement à ceux qui prient comme moi, mais à toutes les nations : pour Dieu le Père, il n’y a pas de limite, vous êtes tous ses enfants.

Cet après-midi, nous nous tournons vers Dieu avec le poids de notre humanité pécheresse qui fait de nous de faux adultes, pleins de peur et d’angoisse. Chrétiens, tournons-nous vers Dieu à la suite de Jésus. Il est venu ramasser nos péchés d’orgueil, de mensonge, de jalousie, d’égoïsme. Il les prend pour les jeter dans la mort et nous ramener à la vie, à la vie d’enfants de Dieu, à la vie telle que notre vie de cet après-midi qu’au fond nous avons consacré, que nous consacrons à cet amour où nous nous serrons les uns auprès des autres, peut-être grâce à l’écran géant, la radio ou la télévision.

« Avez-vous peur de mourir ? » dit l’un des assassins. « Non », répond l’une des témoins. Pourquoi ? « Parce que je crois en Dieu et je sais que je serai heureuse ». Tel est notre avenir. Ne le retardons pas.

Les assassins ont donné de multiples coups de couteaux sur l’autel. Je ne sais pas pourquoi. Je sais simplement, si j’ose dire, qu’ils ont visé juste… c’est bien l’autel du sacrifice de Jésus dans lequel est consommé notre péché. Frères et sœurs, baptisés, vous le savez, participer à l’eucharistie c’est participer à la mise à mort des péchés et à la résurrection des cœurs et des vies. Quand deux ont trois sont réunis en mon nom, dit Jésus, je suis là au milieu de vous. Ils n’étaient guère que cinq ce matin-là avec le Père Jacques Hamel, autour de Jésus. Jetons nos péchés dans l’amour brûlant du Seigneur. Ne repartez pas cet après-midi sans décider de mettre votre vie du côté de la lumière, du côté de la paix, du côté de la joie, en commençant pas vos voisins les plus proches, quel que soit leur confession.

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photo Michael Bunel/CIRIC

Frères et sœurs, baptisés catholiques, rejoignez vos communautés. Si vous vous en êtes éloignés, si vous ne vous jugez plus digne d’être tout près de Jésus, sachez que lui vous attend et vous sais digne. Allez voir un prêtre, un autre prêtre que le Père Jacques Hamel bien sûr, mais comme lui, il vous dira le pardon de Dieu, il vous le donnera, dans la joie de la miséricorde.

Oui, frères et sœurs, dites-vous à vous-mêmes et peut-être aussi à vos proches, que vous voulez être des témoins de l’amour infini de Jésus. A chaque fois que vous viendrez rejoindre les disciples de Jésus autour de l’autel, le dernier mot que vous entendrez sera votre mission, notre mission : « Allez dans la paix du Christ ». Dans la paix !

Frères et sœurs : choisissons la paix ! Choisissons le pardon ! Choisissons la vie !

Ensemble !

A vous d’en être les témoins !

Amen.