Nativité du Seigneur – Messe de la nuit – 24 décembre 2016

Nativité du Seigneur

Messe de la nuit
Cathédrale Notre-Dame de Rouen – 24 décembre 2016

Is 9, 1-6 ; Ps 95
Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14

Homélie

« L’Eglise catholique ne peut prendre d’autres armes que la prière et la fraternité entre les hommes » (Communiqué le jour de l’attentat du Père Jacques Hamel). Tel fut le choix de notre communauté cet été.

Frères et sœurs, pardonnez-moi de revenir sur l’assassinat du Père Jacques Hamel en cette nuit de Noël, de revenir sur les attentats de ces jours, de ces mois, de ces années, en Europe et combien plus, hélas, au Moyen Orient. Ces événements marquent trop notre monde et nos vies.

creche cathedraleNoël devrait-il être une trêve-pour-oublier ? Je vous propose un Noël-pour-aimer, un Noël-pour-pardonner, un Noël-pour-espérer. C’est la vérité de Noël. Il fait nuit, dit le prophète Isaïe : le peuple est sous le joug – nos pays tremblent-, des bottes frappent le sol, -ce sont aujourd’hui des explosifs-, des manteaux sont couverts de sang (cf. Is 9, 3-4).

Noël pour aimer, et non pour oublier. Dieu envoie son Fils, Dieu lui-même. Surprise, c’est un enfant, « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12). Qui peut résister à l’amour de l’enfant, et pour l’enfant ? Dieu est loin pour beaucoup, en fait pour tous. Il s’approche : « Oui, un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Is 9, 5), annonce le prophète Isaïe, alors que son pays subit la défaite. Quelle idée géniale ! Un enfant-Dieu, Dieu-enfant. Il révèle notre véritable identité d’enfants de Dieu : le plus beau en nous est notre innocence, notre soif d’être aimés, notre désir de grandir. Ne gâchons pas cela, en transformant Noël en une trêve-pour-oublier. Prenez le temps de prier devant la crèche, chez vous ou dans une église, comme nous le faisons cette nuit. Revenez dans la semaine mettre une lumière, la lumière qui fait briller les yeux des enfants. Souvenez-vous de la parole de Jésus : « Celui qui se fait petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux » (Mt 18, 3). Se faire petit, c’est se faire aimable ! Se faire aimable, c’est se faire petit.

Un Noël pour aimer, plus encore, pour pardonner. Qu’es-tu venu faire, Jésus, dans notre monde mis à mal par le diable ? « La grâce de Dieu s’est manifesté pour le salut de tous les hommes, dit St Paul … Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes » (Tt 2, 11.14), ajoute-t-il. Oui, chacun de nous a des motifs d’en vouloir à quelqu’un d’autre. Dieu, peut-être plus que nous. Mais Dieu ne renonce pas : son Fils vient nous apprendre à pardonner pour inverser la spirale du mal, et la convertir en spirale du bien. Regardez Jésus dans la crèche et entendez la parole qu’il ne cesse de dire : « Soyez miséricordieux comme votre Père » (Lc 6, 36). Demander pardon et pardonner est la mission des disciples de Jésus. Je suis sûr qu’un voisin, qu’un membre de la communauté, qu’un membre de votre famille, qu’une personne à votre travail attend … ce cadeau de Noël.

Un Noël, pour espérer. Joseph, Marie, les bergers … les petits se mettent en marche. C’est par eux que Dieu commence, quelques personnes de bonne volonté. Ce ne sont pas les armées de l’empereur Auguste ni celle du gouverneur de Syrie (cf. Lc 2, 1-2) que Dieu enrôle dans son amour et pour son pardon. Dieu enrôle les personnes simples et vraies. Ce Noël, nous pensons au Père Jacques Hamel. Soyons comme lui simples et vrais, répondant à notre vocation sans bruit et sans médias. L’Espérance de Dieu, frères et sœurs, c’est chacun de vous choisissant l’amour et le pardon. Que l’Espérance de Dieu soit notre espérance.

« L’Eglise catholique ne peut prendre d’autres armes que la prière et la fraternité entre les hommes » car tel est le choix de Dieu. Il fait nuit chez les hommes, le diable combat : Dieu ne nous appelle pas à une trêve pour oublier. Il nous fait un cadeau bien plus grand, le cadeau de ses propres armes : l’amour, le pardon, l’Espérance.

Frères et sœurs, devant la crèche, rendons grâce pour le choix de Dieu. Qu’il soit notre choix, dans la joie profonde de rejoindre son cœur tout aimant, présent dans « le nouveau-né, emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12).

+ Dominique  Lebrun

Archevêque de Rouen.