La Vocation : quand vient le temps de la décision

Quand vient le temps de la décision

Dans l’accompagnement des vocations, on sait qu’une des difficultés majeures rencontrées par celles et ceux qui veulent consacrer leur vie au service du Seigneur réside dans la décision qu’ils doivent prendre.

Voici quelques lignes glanées à la lecture du Père jésuite Maurice Giuliani. Souhaitons qu’elles puissent éclairer ceux qui ont à faire des choix décisifs et ceux qui les accompagnent dans cette étape. Au-delà des propos rapportés ici, c’est l’ensemble de ce livre qui sera d’une lecture plus que profitable à chacun.

Maurice GIULIANI, L’accueil du temps qui vient, Etudes sur saint Ignace de Loyola, Bayard, Christus, 2003. Se décider sous la motion divine (p. 205-225).

Lorsque quelqu’un se trouve conduit à devoir choisir, rester dans l’incertitude, c’est s’exposer à ne jamais trouver la paix en ce que l’on décide, et même à vivre dans une sourde anxiété qui ne manquera pas, tôt ou tard, de provoquer la timidité dans l’action, la gêne dans la prière, l’inhibition dans les élans intérieurs
Pour se décider, il faut d’abord avoir le « regard simple » (Exercices spirituels, 169), c’est-à-dire ne chercher que Dieu, sans aucune attache personnelle qui fasse obstacle à sa volonté.

Il faut aussi s’établir dans l’indifférence, cette attitude par laquelle on attend de Dieu seul le signe permettant de découvrir sa volonté.

Pour se disposer à connaître la volonté de Dieu, l’âme ne doit pas se contenter d’une attente qui cacherait sans doute bien des paresses et favoriserait une relative médiocrité. Patiente, elle doit encore se porter de tout son élan vers ce qui l’accordera davantage aux « voies » de Dieu. Ainsi le retraitant qui répugne à la pauvreté doit-il prier pour que Dieu l’incline intérieurement à être pauvre avec le Christ et dans l’esprit des Béatitudes

C’est de nous-même qu’il faut nous garder pour être tout à Dieu ; les garanties de cette liberté sont :

  •  la droiture du cœur,
  •  la purification des désirs par la ressemblance avec le Christ,
  •  la soumission à la charité de Dieu qui s’exprime en nous.

Saint Ignace propose trois temps pour faire une bonne élection :

« Dans un premier temps Dieu notre Seigneur meut et attire la volonté de telle sorte que, sans douter ni pouvoir douter, l’âme livrée à Dieu sui ce qui lui est montré. Ainsi se comportèrent saint Paul et saint Matthieu quand ils suivirent le Christ notre Seigneur » (Exercices, 175).
Dieu agit dans l’âme de manière immédiate, sans intermédiaire humain ; la personne adhère ensuite de grand cœur à ce que Dieu lui manifeste ; enfin, elle éprouve une certitude inébranlable : elle sait que l’impulsion ressentie vient de Dieu, et non des mouvements, toujours douteux, de la raison ou de la psychologie humaine.

Si la décision n’a pu être prise, faute d’une « attraction » aussi évidente, Ignace demande que le retraitant face appel à une autre expérience capable, elle aussi, de conduire à la certitude.

« Dans le deuxième temps, l’âme trouve assez de clarté et de connaissance par l’expérience des consolations et des désolations, et par l’expérience du discernement des divers esprits » (Exercices, 176).

Ici, l’âme cherche la lumière en interprétant les mouvements intérieurs qu’elle ressent. Le retraitant doit discerner, parmi ces « esprits » qui l’agitent, ceux qui viennent de l’action de la grâce en son âme. Moins le sentiment, c’est leur répétition qui doit surtout être prise en compte, ainsi que ce qui les suscite. Loin d’être exceptionnelle, cette attention aux motions doit caractériser toute notre vie, qui toute entière est recherche de la volonté du Seigneur.

« Le troisième temps est tranquille. Considérant d’abord pour quoi l’homme est créé, à savoir louer Dieu notre Seigneur et sauver son âme, c’est cela qu’on désire, et l’on choisit pour moyen un genre de vie ou un état autorisé par l’Eglise, en vue d’y trouver une aide pour le service de son Seigneur et pour le salut de son âme. Je dis : temps tranquille. L’âme n’y est pas agitée par divers esprits, et elle exerce ses puissances naturelles, librement et tranquillement » (Exercices, 177).
Le retraitant regarde tout ce qui a jalonné son itinéraire spirituel, il fait mémoire du chemin par lequel Dieu l’a conduit. On ne se portera alors qu’à des décisions dont on aura senti qu’elles ne sont pas arbitraires et qu’elles ne s’emparent pas de l’âme par la violence p. 217. L’attention au chemin intérieur s’accompagne d’une même attention aux éléments extérieurs : famille, conditions, travail, etc., à l’ensemble des conditions historiques.

Sans doute faut-il ici se garder d’une illusion fort dangereuse. L’analyse, si lucide et attentive qu’elle soit, ne conduit pas, par elle-même et comme en vertu d’un déterminisme, à la décision qui est à prendre. La volonté de Dieu, en effet, n’est pas inscrite dans un déroulement nécessaire et objectif des situations : celles-ci restent à juger selon la foi, l’espérance et la charité.

Saint Ignace demande alors à ce que la décision prise soit « confirmée » par Dieu (Exercices, 183 et 188).
La confirmation peut veut venir dans l’action elle-même, dans l’exécution de la décision prise, mais le plus souvent, elle sera une motion de l’Esprit.