La journée paroissiale de St Martin de Oissel

Homélie du 14 novembre 2021 pour la Journée paroissiale à Oissel – Journée des pauvres

Jésus ne nous avait guère habitués à ce genre de discours ! Tout d’un coup, son style se met à ressembler à toute une littérature de divination qui était florissante et faisait fortune à son époque. Dans toutes les civilisations, dans toutes les religions, les questions sont partout et toujours les mêmes : L’humanité va-t-elle irrémédiablement à sa perte ? Le bien triomphera-t-il un jour du mal ? Que sera la fin du monde ?

Il fut un temps, pas si lointain, je prêchais que ce style « apocalyptique » était bien loin de nos préoccupations et de nos mentalités. Seuls les prophètes de malheur fondaient leurs discours sur la peur de la fin du monde, l’angoisse, la peur des autres, pour enrichir leur fonds de commerce.

À l’époque où les récits de ce dimanche ont été rédigés, le phénomène des éclipses que nous connaissons aujourd’hui échappait à leurs auteurs.  Mais il est bien évident que tout ce qui parait étrange, ce qu’on ne maitrise pas, ce qui nous fait rentrer dans l’inconnu, engendre souvent les fantasmes les plus fous et les craintes les plus folles. Les discours « complotistes » relayés par les réseaux sociaux se multiplient, « c’est la faute des autres, de nos gouvernants… », « le monde va à sa perte… on nous raconte des histoires… » Aujourd’hui, je prêche ceci : disciples de Jésus, nous ne devons pas rajouter de la peur à la peur, de l’angoisse aux angoisses, mais témoigner, par la sérénité de notre foi, de la paix, des signes d’espérance, de la victoire définitive de Dieu contre le Mal.  « Apocalypse » ne veut pas dire « destruction/ désolation » mais « révélation », tout sera dévoilé.

Jésus ne prêche pas la peur, mais l’urgence à nous convertir. L’urgence n’est pas à confondre avec la précipitation, encore moins l’affolement, mais à reconnaitre les signes de sa présence et de sa venue. Cet appel à la conversion nous parle en cette journée mondiale des pauvres.  Urgence relayée par les prophètes, notamment par Jean-Baptiste, urgence relayée un certain hiver 54 par l’abbé Pierre, urgence relayée par le pape François dans « laudato si’ » d’entendre « la clameur de la terre et la clameur des pauvres ». Urgence en vue de la préservation de « notre maison commune » qu’est notre planète et qui se situe à la fois sur le plan environnemental, nous le constatons sur le plan d’un dérèglement climatique plus fréquent (inondations, tsunami, incendies), mais avant tout sur le plan humain et social, « tout est lié ».

Entendons-nous la clameur des pauvres et de la terre ? Cet appel fait-il partie de notre vie chrétienne ? Habite-t-il notre prière ?  Oriente-t-il nos décisions familiales, professionnelles, et nos engagements ?  Habite-t-il notre façon d’éduquer les plus jeunes mais aussi les anciens ? Il y a urgence à écouter l’évangile qui provoque la conversion intérieure. C’est pourquoi le Christ nous appelle aujourd’hui à regarder les pauvres comme ceux qui nous évangélisent, reflètent son image et provoquent notre fraternité : « ce que vous avez fait… ou ce que vous n’avez pas fait ». Lorsque nous recevrons le corps du Christ dans un instant, à la communion, penserons-nous à eux comme faisant partie du corps du Christ ? « Le pauvre n’est pas un fardeau, il est notre frère ».

Comment cette Parole de l’évangile retentit-elle en nous en cette journée où notre paroisse fête saint Martin et se rassemble pour vivre un moment de fraternité et de partage sur sa mission pour l’année qui vient ?

Regardons saint Martin, patron de notre paroisse, que nous fêtons aujourd’hui. Il est catéchumène, c’est-à-dire en chemin de conversion vers le baptême.  C’est un soldat romain. Il a rencontré le Christ. Il s’approche de la ville d’Amiens, c’est l’hiver, le temps est glacial. À la porte de la ville, il voit un homme à moitié nu. Il coupe la moitié de sa tunique pour le revêtir. Je me suis longtemps demandé pourquoi couper un manteau en deux ? Ce vêtement n’était-il pas perdu pour les deux personnes ? Le fait que les tuniques romaines pouvaient être doublées m’a rassuré, Martin lui ayant probablement remis sa doublure. Mais, il fallait trouver un sens spirituel à ce geste au-delà des raisons vestimentaires.

La parole du pape François nous éclaire : « L’aumône est passage, le partage est durable ». Cela rejoint un principe de travail en paroisse : « Seul on va certes plus vite, mais ensemble on va plus loin ». Cela rejoint aussi ce que disait le père Ceyrac en Inde : « Tout ce qui n’est pas donné est perdu ».

Si nous devons toujours progresser pour mieux relire et partager ensemble la mission, ce n’est pas pour organiser uniquement des structures en paroisse, mais pour nous aider ensemble à être disciples missionnaires. C’est le sens de notre rencontre de cet après-midi. Comment mieux inviter, rejoindre en paroisse les enfants, les familles, les personnes malades et âgées ?

Martin va à la rencontre de celui qui se présente à lui sur son chemin.  Il ne s’agit pas pour nous d’aller autre part que de rencontrer celles et ceux qui se présentent sur le chemin de notre vie. Quels sont les hommes et les femmes, les jeunes et les enfants qui ont besoin d’être recouverts du manteau de l’amitié, de la foi, de la chaleur d’une visite et du partage ?  Du manteau de leur baptême ? « J’étais nu et vous m’avez habillé ». Les demandes sont nombreuses, les appels aussi ! Comment en paroisse pouvons-nous regarder cela ?

Que voulons-nous vivre, célébrer ensemble ? Pouvons-nous partager nos initiatives de covoiturage, de visites à domiciles, de prière ? Conscients que la crise sanitaire a été à la fois un coup d’arrêt mais aussi un moment de créativité pour vivre la solidarité. J’entends dire : « il n’y a plus le chapelet ! » Qui vous empêche de le proposer et de le vivre ? J’entends dire : « l’église n’est pas assez ouverte ». Qui vous empêche de dire, je veux bien prendre la responsabilité de l’ouvrir tel ou tel jour ?

Comme rédigé dans le premier édito du Trait d’union, je reprends l’invitation du pape à regarder les saints d’à côté.  J’ai vu depuis deux mois, depuis mon arrivée, vos richesses, votre générosité, votre fidélité, votre amour de l’église, votre foi à poursuivre la mission et ceci contre vents et marées. J’ai vu aussi des personnes qui aiment leur ville et ses habitants. Si l’église est séparée de l’état, elle ne peut être séparée de la société, car c’est le lieu de sa mission.

Oui, en cette fête paroissiale de la saint Martin et à son exemple, le temps est favorable d’annoncer la venue de Jésus. Nous avons certes des raisons d’avoir peur, d’être découragés, de perdre confiance. La crise sanitaire ne nous a pas épargnés, elle engendre toujours angoisse stress et fatigue. Beaucoup connaissent des angoisses familiales et professionnelles. L’évangile nous invite au discernement, c’est l’image du figuier, à la sérénité, à la paix, à combattre les réticences bien compréhensibles dues à la routine, « ce sont toujours les mêmes… on l’a déjà fait ». L’Évangile n’entretient jamais la peur ni le découragement.

Alors, voulez-vous, en cette fête paroissiale de saint Martin aller toujours plus à la rencontre des uns et des autres ?  Je ne demanderai jamais à ceux qui en font beaucoup, d’en faire davantage.

Voulez-vous qu’on prenne le temps, à travers nos échanges de cet après-midi, de regarder les chemins, là où le Seigneur nous appelle et nous envoie, et les signes de sa présence ?  Il ne s’agira pas de compter combien nous serons aujourd’hui ou demain, mais de regarder la croissance de l’évangile dans le cœur de chacun, dans la vie de notre communauté, pour travailler à son rayonnement.  Il s’agira toujours de transmettre la joie de l’évangile. Amen.