Messe en hommage aux personnes mortes dans la solitude Paroisse Saint-Marc de Rouen Est (église Saint-Vivien)

Messe en hommage aux personnes mortes dans la solitude

Paroisse Saint-Marc de Rouen Est (église Saint-Vivien)

samedi 28 novembre 2015

Lectures de la messe : première lettre de saint Jean 3, 16-20 ; Psaume 22 ; Evangile selon saint Marc 10, 46-52

Homélie

« Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » (1 Jn 3, 18). Faut-il donc que je me taise ?

Qu’est-ce que l’amour ? En lisant vos interventions lors des obsèques de ceux qui meurent dans l’isolement, je suis frappé par votre insistance : « Sans savoir ce que fut votre vie, dites-vous, nous espérons fortement que vous avez vécu des instants de bonheur, d’amour et d’amitié et que vous les avez partagés avec des proches, et votre famille ».

Malgré l’indigence, malgré les galères, malgré les plaies visibles qui marquent trop d’hommes ou de femmes, vous croyez avec insistance que l’amour n’a pu les quitter complètement. Ils ont aimé ; ils ont été aimés, ils sont aimés comme en témoigne Dany [le témoignage de Dany est lu].

Merci Dany –je peux ajouter merci Stéphane, merci Brian : l’amour, c’est simplement cela et il court toujours, dans les foyers comme dans la rue.

Ceux qui n’ont absolument aucune famille sont heureusement quelques-uns, certes trop. Vous les accompagnez car l’amour habite aussi votre cœur, en prenant soin d’être témoins du dévouement et de l’amitié de professionnels ; tant de professionnels font leur travail avec compétence mais aussi amour. C’est une autre caractéristique : vous savez reconnaître cette chaîne humaine que l’assemblée de ce jour signifie et dont vous êtes un maillon.

Jésus ne veut pas qu’une seule personne reste sur le bord du chemin. Une foule nombreuse le suit ; sa mission le conduit à Jérusalem. Il s’arrête. Un homme a crié. D’autres ont voulu le faire taire. Jésus entend. Après un court et intense dialogue pour établir la confiance – ce que nous appelons la foi –, l’aveugle, guéri, « suit Jésus sur le chemin ».

Ils vont ensemble à Jérusalem, là où Jésus sera jeté à son tour au bord de la ville, après un simulacre de procès.

Ils seront quelques-uns à accompagner Jésus jusqu’au tombeau. « Ni famille ni amis », écrivez-vous en note sur votre livre de bord, ou bien quelques amis, un frère, une nièce et quelques personnes du foyer. Mais vous êtes au moins toujours là.

Sur la croix, Jésus rassemble toutes les solitudes et les sauve, donnant sa vie pour elles. C’est notre foi. Au pied de la croix, se tenait Marie et Jean, et peut-être quelques autres amis. Jésus affronte le mystère de la mort. En guérissant Bartimée, Jésus l’a préparé à affronter le mystère de la mort.

Notre prière, ce matin, continue pour ceux dont le domicile principal est passé par la rue ou ceux dont le domicile était désespérément vide. Notre prière est associée à celle de Jésus, par l’Eucharistie ; elle est associée à la vie même de Jésus : « Voici comment nous avons reconnu l’amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous », dit St Jean (1 Jn 3, 16). Il y a sans nul doute d’autres chemins. Lors des obsèques de personnes non croyantes, vous savez réserver votre prière à votre cœur sans manifestation extérieure dans le respect de ces autres chemins. Mais, pour nous chrétiens, ce chemin est un impératif : « Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères », ajoute St Jean (1 Jn 3, 16).

Les vrais aveugles sont ceux qui ne voient pas l’amour qui passe. Demandons à Dieu d’ouvrir nos yeux sur toute détresse, demandons-lui de le faire dans la foi, dans l’espérance, dans l’amour.

✠  Dominique  Lebrun

Archevêque de Rouen.