Deuxième dimanche de Pâques ou de la divine miséricorde – 3 avril 2016

Deuxième dimanche de Pâques
ou de la divine miséricorde
Cathédrale Notre-Dame de Rouen – 3 avril 2016

Bénédiction de seize cloches du carillon

Monition d’ouverture

2016 04 03 bénédiction des cloches (32)Bienvenue à vous tous.

Bienvenue à Romain, Cécile, Guillaume, Mathilde, Georges, Maurice, Sybille, Rollon, Victrice, Olaf, Eudes… qui attendent sagement dans la nef de la cathédrale le moment de leur baptême. Bienvenue à leurs sœurs aînées, pensons à Alyette, rescapée de 1914. Bienvenue à vous, parrains et marraines. Bienvenue à vous qui leur avez donné vie, la famille Paccard.

Bienvenue à vous qui avez collaboré à leur renouveau, M. Jean-Pierre Ollivier, directeur régional des affaires culturelles avec vos collaborateurs, M. Pous en particulier, Mme Lelièvre aussi. Bienvenue à vous M. Duplat, architecte en chef qui œuvre à l’amélioration constante de notre cathédrale Notre-Dame. Bienvenue à vous M. Joël Hebinck qui apportez la contribution du Crédit agricole.

Bienvenue aux amis des nouvelles baptisées ; élus de la nation, maire, délégué militaire, responsables culturels, autorité religieuse.

Bienvenue à vous, M. Patrice Latour, qui apprendrez aux nouvelles pensionnaires de la tour Saint-Romain, à tinter, sonner, carillonner, et à l’association qui entoure notre carillon et son président Jean-François Claire.

Des cloches sont nouvelles, certaines avaient subi les dommages des guerres et des incendies, l’usure du temps aussi. N’est-ce pas le symbole de notre monde qui, au long des années, continuent de se faire du mal ? Faisons silence quelques instants en pensant aux victimes si nombreuses des méfaits de l’homme, parfois tout proches de nous.

Et, si nous le voulons bien demandons à Dieu qu’il nous prenne en pitié, kyrie eleison.


 

Lectures de la messe : Livre des Actes des Apôtres (5, 12-16) ; Psaume 117
Apocalypse de saint Jean (1, 9-11a.12-13.17-19) ; Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (20, 19-31)

Homélie

Chers amis, la rencontre entre l’humanité et Dieu demeure une question, d’aucuns disent un mystère. Pour les disciples de Jésus, le récit de la rencontre que nous venons d’entendre est décisif. Il dessine les contours de leur foi ; donc de leur rencontre avec Dieu.

Après la mort de Jésus, les disciples sont enfermés, par crainte. Le disciple, comme le maître, passe aussi par la mort, celle de l’enfermement, celle de la crainte. Au fond, un disciple de Jésus est un être humain, qu’un être humain. Du coup, tout homme, quelle que soit sa culture peut devenir disciple de Jésus.

Jésus le rejoint dans sa peur, l’agitation de son cœur : « La paix soit avec vous » (Jn 20, 19.21.26), répète-t-il. Leur rencontre est-elle un privilège ? Peut-être. En tous les cas, elle est une mission : « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20, 22-23). Jésus confie à ses amis la mission de pardonner ! Rien de moins ! Le chrétien sait que le péché continuera d’habiter son cœur, la société, le monde. Il apprend petit à petit à s’en débarrasser pardon après pardon.

Le carême est le temps adapté pour se confesser, pour entendre cette parole qui fait tant de bien : « Je te pardonne tous tes péchés ». Le temps de Pâques ne l’est pas moins, comme un fruit de la résurrection. Le soir de la résurrection, après avoir vaincu le mal sur la croix, Jésus apprend à ses disciples que le chemin de la paix est le pardon. Toute vraie rencontre avec Dieu est une mission de paix.

St Thomas rejoint le groupe. Il lui faut huit jours de plus pour croire. Cela permet de comprendre que Jésus ressuscité est bien celui qui est crucifié (cf. Jn 20, 27). On peut même s’interroger. Le manque de foi de St Thomas ne réveille-t-il pas le souvenir de la crucifixion en Jésus ? Toute vraie rencontre avec Dieu transforme la vie mais ne l’élimine pas.

A chaque confession, les cloches ne sonnent pas, et carillonnent encore moins ! Et pourtant, ce qui s’y passe le mériterait ! Nous savons la place de la culpabilité et des remords dans nos vies. C’est de l’ordre de la gangrène. La société contemporaine a pris conscience des méfaits psychologiques de la culpabilité. Oublierait-elle que le pardon est le vrai remède ? Frères et sœurs, laissez-vous saisir par la joie de demander pardon et de pardonner.

2016 04 03 bénédiction des cloches (29)Les cloches sont au service de la rencontre entre Dieu et les hommes. Par leur tintement ou leur sonnerie, elles s’adressent au cœur de l’homme. Elles ne sont pas des rappels à la loi, tout juste des invitations.  Tantôt, elles résonnent au nom de Dieu pour inviter à sa rencontre. Tantôt, elles résonnent au nom des hommes pour partager leurs joies, celle de la fondation d’une famille ou d’un nouveau venu, ou encore pour faire part de leur douleur et de leur espérance devant la mort.

Dans quelques instants, la cloche prénommée Mathilde, à peine baptisée, accompagnera les litanies de la Vierge noire de Poulenc. Celui-ci écrivit cette litanie après sa rencontre avec Dieu à travers la Vierge noire de Rocamadour, rencontre qui le bouleversa et le consola de la mort d’un jeune ami compositeur.

Que ces litanies nous rappellent la joie d’être dans la cathédrale Notre-Dame, avec celle qui personnifie le mieux la rencontre entre Dieu et l’humanité.

Les cloches sont aussi expression de l’humanité qui cherche et crée. Un concert, outre la performance artistique, est toujours une quête, un défi, celui de communiquer des sentiments, de les proposer à une communauté humaine dans sa diversité pour la faire communier. Ici, la communauté humaine est la cité. La question peut se poser : les cloches ne s’imposent-elles pas ? Le défi d’un carillon est bien de se proposer à une communauté qui, apparemment, n’a pas demandé, sinon à travers ses édiles qui assument la responsabilité du bien commun. La question est-elle à poser aux cloches ou au carillonneur, ou bien à la cité elle-même : Ville de Rouen, es-tu capable de t’ouvrir à une musique qui rassemble même si tu ne l’as pas choisie ? Es-tu capable de vivre la rencontre à travers des notes de musique ? Es-tu capable de vivre ensemble ?

Dans notre prière, demandons à Dieu que sa rencontre ouvre à une vie fraternelle, au-delà des blessures. Ce que nous vivons aujourd’hui, avec la bénédiction des cloches, est comme une résurrection. Je rends grâce à Dieu pour ceux qui ne se sont pas laissé abattre par la guerre et les incendies, ceux qui ne renoncent pas à des projets qui vont au-delà de leur famille de pensée ou de leur sensibilité, ceux qui se mettent ensemble pour proposer une harmonie. Emerveillons-nous et, si nous le pouvons, disons : A travers la rencontre d’aujourd’hui, « Nous avons vu le Seigneur » (Jn 20, 25) ressuscité !

✠  Dominique  Lebrun

Archevêque de Rouen