Semaine du 30 mai au 3 juin 2016 – par Marie-Agnès Deschamps

Lundi 30 mai 16      Si quelqu’un veut marcher à ma suite…

L’évangile de ce jour, en St Matthieu au chapitre 16, contient plusieurs fois le verbe « perdre » : perdre et trouver, perdre et gagner, perdre et sauver. Nous n’aimons pas « perdre ». De nombreuses spiritualités nous invitent pourtant à lâcher prise, à laisser couler, à laisser passer, à perdre ce à quoi nous étions attachés, afin d’atteindre le nirvana, la paix… La paix et même la joie.

Ecoutons bien cependant ce que nous dit Jésus…

« En ce temps-là, il disait à ses disciples : ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive’. »

Quand nous entendons ces paroles, nous pensons spontanément à la souffrance, et à une marche vers la mort. La croix, c’est bien un instrument de torture. Cependant, il ne faut pas oublier le début et la fin de la phrase : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite », qu’il prenne sa croix, « et qu’il me suive ».

La foi en Jésus n’est pas une de ces nombreuses sagesses humaines qui nous proposent un chemin de libération intérieure pour mieux vivre. Ces sagesses sont certes très belles, elles aident beaucoup de gens à vivre et l’on peut s’y ressourcer. Il est certain, humainement, que bien des attachements sont sources de douleur, et que s’agripper conduit à la mort.

Mais la sagesse chrétienne, c’est avant tout, et après tout, de s’attacher à Jésus, de suivre Jésus, de marcher à la suite de Jésus. C’est l’unique nécessaire. Certaines vies chrétiennes paraissent simples et heureuses, relativement à l’abri de la souffrance. Certaines vies chrétiennes semblent, étonnamment, saturées de souffrance. Mais ce qui mesure la foi chrétienne, ce n’est pas le taux de souffrance, c’est la qualité de notre relation au Christ.

Aujourd’hui, je peux me poser ces questions : « Qu’est-ce qui m’attache, au point de m’empêcher de marcher ? Qu’est-ce que je ne voudrais surtout pas perdre ? Qu’est-ce qui me fait trembler ? » Et les réponses que je donne à ces questions, je peux les regarder avec le Christ. Il me fera discerner ce qui me conduit à la vie et ce qui me fait mourir, ce que je dois garder et ce que je peux perdre.

Mieux encore, tournons nos regards vers lui, le Christ, comme on tourne son regard vers un étendard dans la bataille. Chacun de nous porte son lot de souffrances. Vivons-les avec le Christ, puisque le suivre et s’attacher à lui, c’est tout ce qui compte.

En ce jour de la Fête de Ste Jeanne d’Arc, laissons-nous toucher par le témoignage de cette toute jeune fille dont la sagesse est éclatante lorsqu’elle répond au tribunal. Le Christ Jésus est vraiment pour elle « sagesse qui vient de Dieu ».

 

Mardi 31 mai     Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth

L’évangile de Luc au chapitre 1, racontant la Visite de Marie à Elisabeth, nous le connaissons par cœur. Essayons de l’écouter comme on entend une nouvelle toute fraîche, ce matin.

« En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth ».

Marie, que nous avons l’habitude de saluer lorsque nous disons « Je te salue, Marie », Marie aujourd’hui salue Elisabeth. Arrêtons-nous sur ce beau moment que tant de peintres ont essayé d’approcher et de fixer sur la toile. Moment d’intimité. Moment de rencontre entre deux femmes. Deux femmes enceintes. La toute jeune et la très ancienne. La vierge et la stérile. C’est Marie qui salue sa cousine, et c’est Elisabeth qui entend la salutation. Marie salue et l’enfant tressaille en Elisabeth.

Avec Marie, c’est Jésus et l’Esprit-Saint qui arrivent et se manifestent. « Quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors Elisabeth fut remplie d’Esprit-Saint ». Et dans son étonnement, elle précise : « lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. »

Ce texte d’évangile nous invite au silence, à la contemplation, à l’adoration de celui qui vient.

Celui qui vient est caché, caché dans les entrailles de sa mère. Le plus humble des hommes arrive parmi nous en humble place. Plus tard, quand il entrera dans Jérusalem pour vivre sa Passion, ce sera encore en humble place, porté par le dos d’un ânon. Aujourd’hui, il se manifeste dans l’humanité, porté par la plus humble des femmes.

Marie en effet parle d’elle-même en se qualifiant à juste titre « d’humble servante ». C’est tout ce qu’elle est. Et elle parle du Seigneur en disant qu’il est « son sauveur ». Car elle aussi avait besoin d’être sauvée par le Seigneur. L’adjectif « humble » revient plusieurs fois dans la liturgie de ce jour. Et l’ancienne traduction d’une phrase de la lettre de St Paul aux Romains : « Laissez-vous attirer par ce qui est simple » a laissé place à « Laissez-vous attirer par ce qui est humble. »

Aujourd’hui 31 mai, laissons-nous attirer par ce qui est humble. Posons-nous la question de ce qu’est l’humilité. Comme Marie, allons « avec empressement » là où la vie nous appelle. Ne ralentissons pas notre élan. Et si la vie nous est pesante aujourd’hui, nous pourrions redire avec Isaïe et avec Marie : « Voici le Dieu qui me sauve. J’ai confiance, je n’ai plus de crainte ».

 

Mercredi 1er juin      Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.

Tous ceux qui ont été confrontés à la mort d’un proche comprendront les questions que se sont posées les Sadducéens au sujet de la Résurrection. Quand un être très cher disparaît, la question vient immanquablement : « Où est-il maintenant ? ». Et viennent les interrogations corollaires : « M’entend-il ? Me voit-il ? ».

Et bien souvent la réponse qui vient, c’est celle des Sadducéens, celle d’une de mes amies déchirée par l’absence : « Non ! Après, il n’y a plus rien. Rien que le néant. C’est fini ! ». Et l’on ne sait que répondre à un tel désespoir, même si l’on vit dans l’Espérance chrétienne, car effectivement, la Résurrection est une chose proprement in-croy-able. Toutes nos représentations humaines d’un possible au-delà finissent dans une impasse : « C’est comment, après ? Comment ressuscite-t-on ? Une femme qui a eu sept maris, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse ? » Et je pense à cette petite fille née sans jambe, qui se demandait si, à la Résurrection, elle aurait des jambes, auquel cas, alors, ce ne serait plus vraiment elle.

Ces questions sont de vraies questions, humaines et naturelles. Mais nos représentations nous égarent. Et il vaut mieux les laisser : elles sont vaines.

Jésus nous dit aujourd’hui que nous méconnaissons « les Ecritures et la puissance de Dieu ». Jésus a cette phrase pour nous difficilement compréhensible : « Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux. » Remarquons-le : il ne dit pas que nous deviendrons des anges, c’est-à-dire des êtres sans corps, mais que nous serons comme des anges. Rappelons-nous aussi ce que dit l’épître aux Hébreux : « Dieu a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves. Car ceux qu’il prend en charge, ce ne sont pas les anges, c’est la descendance d’Abraham. »

Si le Christ est ressuscité, c’est pour nous ouvrir un chemin. « Il est le premier-né d’entre les morts ». C’est donc qu’il entraîne à sa suite la multitude de ses frères. Inutile d’essayer de nous représenter comment cela se passera pour nous. Comment l’enfant qui n’est pas encore né pourrait-il imaginer la vie qui l’attend après sa naissance ?! Comment le grain de blé pourrait-il imaginer l’épi qu’il va devenir ?  Laissons toutes nos représentations et aussi tous les témoignages de ceux qui seraient revenus de l’au-delà…

Nous ne perdons pas notre temps en revanche, si nous lisons les Ecritures. Essayons d’entendre ce que veut dire : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. »

« Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. »

« C’est une promesse de vie que nous avons dans le Christ Jésus. »

« Il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie. »

Seigneur, je crois ! Mais viens au secours de mon manque de foi. »

Jeudi 2 juin      Tu aimeras le Seigneur ton Dieu…

Pour beaucoup de gens ce qui définit un chrétien, c’est qu’il aime les autres. On aime les autres, et voilà : alors, on est un bon chrétien. On n’aime pas les autres, alors, on n’est pas un bon chrétien. Nous lisons dans l’évangile selon St Marc au chapitre 12, que c’est cela, … mais pas vraiment cela.

Jésus fait l’éloge d’un scribe venu échanger avec lui pour savoir quel est le premier de tous les commandements. Jésus lui fait une réponse qui en surprendrait beaucoup : « Voici le premier : Ecoute Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. »  Le premier commandement, c’est d’écouter ! de prêter l’oreille à ce que dit le Seigneur ! car c’est lui qu’il faut aimer, de tout son être. Et Jésus ajoute aussitôt que le second est d’aimer son prochain comme soi-même.

Le scribe l’approuve Jésus et il prononce une phrase dans laquelle les deux commandements n’en font plus qu’un (ce qui n’annule ni le premier, ni le second). Il affirme qu’aimer Dieu et son prochain comme soi-même vaut mieux que toutes les offrandes d’holocaustes et de sacrifices, et pour Jésus, c’est une remarque judicieuse.

Le dialogue entre Jésus et le scribe laisse les auditeurs timides et silencieux. Est-ce parce qu’ils ont mesuré qu’en réalité, nous sommes incapables d’aimer ? Incapables d’aimer Dieu, incapables d’aimer les autres, incapables de nous aimer nous-mêmes ? Sinon incapables, du moins bien handicapés dans le domaine de l’amour.

Cela, Jésus le sait. Et pourtant, il ira beaucoup plus loin que ce que disait déjà l’Ecriture. Il dira plus tard : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer comme je vous ai aimés ». Quand quelqu’un est chrétien, il est vrai que cela se voit parce qu’il aime les autres, mais il ne peut aimer que dans la suite de Jésus. Et il aime à la manière de Jésus.

C’est pourquoi Ste Catherine de Sienne imagine Dieu nous disant : « Si l’on ne m’aime pas, l’on n’aime pas non plus le prochain. Ne l’aimant pas, on ne le secourt pas et du même coup l’on se fait tort à soi-même. » Elle a raison : aimer Dieu, aimer son prochain et s’aimer soi-même, c’est tout un.

Méditons aujourd’hui les derniers mots du Journal d’un curé de campagne de Bernanos : « Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ. »

Seigneur, donne-nous la grâce de l’humilité.

Seigneur, donne-nous la grâce d’aimer.

 

Vendredi 3 juin    Nous avons été réconciliés avec Dieu … alors que nous étions ses ennemis. 

C’est aujourd’hui la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Fête solennelle. Fête de l’amour du Christ pour nous.

Ce qui est frappant quand on lit les textes de la messe de ce jour, c’est que c’est Dieu qui fait tout, c’est Dieu qui travaille.

Je relève les verbes dans le livre d’Ezéchiel au chapitre 34 ; c’est Dieu qui parle et il dit : « je m’occuperai de mes brebis, je veillerai sur elles, j’irai les délivrer, je les ferai sortir, je les rassemblerai, je les ramènerai, je les ferai paître ; la brebis perdue, je la chercherai, je la panserai, je la garderai ». Et les brebis, que font-elles ? Elles paissent, elles se reposent, elles broutent !… Point final !

Lisons l’évangile selon St Luc au chapitre 15. Le bon berger, image du Christ, cherche sa brebis, la prend sur ses épaules (une brebis, ce doit être lourd !), il rassemble ses amis. Quant à la brebis, image de l’être humain, il n’est pas dit du tout qu’elle ait cherché à retrouver son maître. Il semblerait que la conversion consiste à être retrouvé par le berger. Il semblerait que l’homme ne fasse rien.

Tout est grâce. Les chrétiens réformés ont appris aux catholiques à mieux en prendre conscience et les textes de ce jour le soulignent. Bien sûr, d’autres textes nous disent que la foi sans les œuvres est stérile. Mais arrêtons-nous longuement aujourd’hui sur ce que nous dit la liturgie. Acceptons d’être retrouvés par le Christ. Acceptons d’être aimés, aujourd’hui tels que nous sommes.

Relisons la lettre de St Paul aux Romains chapitre 5 : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis. » « Nous avons reçu la réconciliation. »

C’est vraiment le jour de prier avec le psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » ou encore avec Ste Faustine Kowalska : « Montre-moi, mon Dieu, ta miséricorde », « Ta pitié n’est jamais calculée », « Bien que ma misère ait l’immensité de la mer, j’ai une absolue confiance en la miséricorde du Seigneur. »

Très bonne journée à tous, sur RCF !