Fête de Saint-Augustin – Monastère Sainte-Marie de la Congrégation des Augustines de la Miséricorde de Jésus Thibermont – Dimanche 28 août 2016

Livre du Deutéronome 7, 6-9 ; Psaume 88
1re Lettre de saint Jean, apôtre 4, 7-16 ; Evangile selon saint Jean 15, 9-17.

Homélie

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16).

Mes sœurs, ce n’est pas vous qui avez choisi le Seigneur, c’est le Seigneur qui vous a choisis. Cela enlève-t-il quelque chose à votre liberté ? Un jour, vous avez frappé à la porte du monastère et vous y avez été accueillis. C’est bien librement que vous avez voulu être sœurs ; le temps de la formation a permis d’évaluer cette liberté, de la faire grandir. Et, pourtant, c’est bien le Seigneur qui vous a choisis d’abord.

Grand mystère de notre liberté que saint Augustin a scruté toute sa vie. A la fin de sa règle, St Augustin vous propose « de répandre la bonne odeur du Christ, non point comme des esclaves sous le joug de la loi mais comme des hommes libres sous l’influence de la grâce » (n. 12). Paradoxalement, il vous le propose comme le but de l’observance des points inscrits dans sa règle.

La question de notre liberté n’est pas celle du respect ou non de règles imposées. La liberté avant d’être une revendication est un don de Dieu, un cadeau de sa Miséricorde. Les chrétiens ne sont pas aliénés par des règles et des commandements. Car ils savent que l’amour même est, sur cette terre, un commandement. « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », dit Jésus (Jn 15, 12).

Par le péché, notre humanité s’est emparée d’elle-même. Elle a quitté la référence à Dieu. En fait, sa conscience l’a conduit à fixer des limites, des interdictions, des lois pour gérer au mieux les risques et les conséquences du péché. L’amour de Dieu va plus loin. Il revient vers nous, « il s’est attaché »  à nous, dit le Deutéronome (7, 7).

Notre civilisation occidentale, notre société, en se coupant de l’amour de Dieu, s’enferme dans des lois et règlements qui ne peuvent transformer l’âme humaine. Ces temps-ci, elle les multiplie même. La législation et la réglementation sans amour risquent toujours de devenir de pesants fardeaux, surtout pour les plus petits.

« Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jn 15, 15). Jésus en choisissant ses disciples, en se mettant à leur portée, en leur révélant l’intensité de son amour et de la miséricorde de son Père, en fait des amis. C’est le chemin pris par Dieu pour libérer notre liberté. Quelle beauté, quelle grâce que de devenir amis de Jésus !

Deux amis sont deux personnes qui vivent un amour de bienveillance réciproque. Ils font l’expérience qu’ils peuvent avoir été loin l’un de l’autre, quand ils se retrouvent, ils retrouvent la même bienveillance, comme si c’était hier. Je viens d’en faire l’expérience avant la célébration en rencontrant un camarade régiment, Dominique. Nous ne nous sommes pas vus depuis bientôt quarante ans. C’était comme si c’était hier. La même confiance envers l’autre nous habite.

L’amitié de Dieu pour l’humanité est ainsi faite. Nous pouvons nous être éloignés, nous nous retrouvons encore plus proches après de longues années. En fait, deux amis ne peuvent s’éloigner parce qu’ils ont intégrés dans leur cœur ce qui fait l’essentiel de la vie de l’autre. S’ils se quittent, ils emportent leur ami en eux. « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître », dit Jésus (Jn 15, 15). Les disciples, même s’ils trahissent, auront en eux l’amour du Père délivré par Jésus, comme Jésus emportera sur la croix leurs élans certes infructueux, mais élans d’amour tout de même.

Mes sœurs, votre ardeur à suivre la règle de saint Augustin n’est pas motivée par le désir de réussir. Il l’est par la joie de vous savoir aimées par Jésus qui vous propose une vie belle. Vous connaissez bien la conclusion de sa Règle dont je citais quelques mots : « Que le Seigneur vous accorde d’observer tous ces points, comme des hommes qui, remplis d’amour pour la beauté spirituelle, répandent, par la sainteté de leur vie, la bonne odeur de Jésus-Christ; non point comme des esclaves sous le joug de la loi, mais comme des hommes libres sous l’influence de la grâce ».

Oui, le cœur de votre vie, c’est la beauté spirituelle, la contemplation et l’amour de la beauté spirituelle. Dans cet esprit, tous peuvent comprendre comment la prière doit tenir une place prépondérante dans vos vies, comme dans la vie de l’Eglise. Sans elle, nous n’avons pas accès à la beauté spirituelle invisible, à la bonne odeur de Jésus Christ.

Je rends grâce à Dieu pour votre vie de prière, pour votre amour. Qu’il devienne toujours plus amour quotidien, amour de la vie quotidienne, entre vous, avec vos hôtes, avec les malades et ceux et celles que vous rencontrez au nom de l’Eglise, au nom de leur ami Jésus.

Puissent saint Augustin et la Vierge Marie intercéder pour notre Eglise afin qu’elle soit témoin humble de l’amitié de Dieu pour toute l’humanité.

✠   Dominique  Lebrun
Archevêque de Rouen.