Fête de la Nativité de la Vierge – Cathédrale Notre-Dame – 8 septembre 2016 Imposition du Pallium par Mgr Luigi Ventura, Nonce apostolique

Fête de la Nativité de la Vierge
Cathédrale Notre-Dame – 8 septembre 2016
Imposition du Pallium par Mgr Luigi Ventura, Nonce apostolique

Lettre de saint Paul apôtre aux Romains (8, 28-30) ; Psaume 12 ; Evangile selon saint Matthieu (1, 1-16.18-23)

Homélie

« Voici comment fut engendré Jésus Christ » (Mt 1, 18).

Comment ? Une longue liste d’hommes et de femmes plus ou moins connus, plus ou moins respectables, telle est l’origine de Jésus, fils de Marie.

Frères et sœurs, ce jour nous fêtons la nativité de Marie. Elle nous ouvre à notre origine, nous les disciples de Jésus. Jésus est Celui qui surgit, par Marie, dans l’histoire chaotique de l’humanité, on peut ajouter dans l’histoire chaotique des croyants. Dans la longue liste entendue, il y a presque tous les péchés du monde, en tous les cas le meurtre, l’adultère, le vol, le mensonge, l’orgueil. Jésus s’insère dans cette histoire.

Par voie de conséquence, cette histoire est aussi celle de la miséricorde. Elle se manifeste par la sainteté dans ce qu’elle a de plus vrai : non pas une perfection illusoire, mais un long désir, un profond et joyeux désir d’une vie heureuse, débarrassée du mal, créant l’harmonie entre les créatures et le Créateur.

Jésus rejoint le long fleuve de l’histoire tantôt fait d’une eau pure et claire, tantôt et trop souvent tâchée de sang. Elle devient histoire d’une miséricorde infinie, par Marie.

Le 22 août, à Lourdes, je consacrais à la Vierge Marie mon ministère d’évêque. Je terminais en disant : « Vierge Marie, je m’offre à vous ; faites de moi ce qu’il vous plaira ».

Le soir, Marion, 15 ans, m’interroge : « pourquoi avez-vous choisi de vous consacrer à Marie et pas à un autre saint ». Marion, je t’ai dit que personne ne m’avait encore posé la question et que j’allais y réfléchir davantage. Aujourd’hui, nous avons la réponse : Marie est unique, Marie est l’unique qui permet au Fils de Dieu de devenir l’un de nous, d’habiter notre histoire.

Ainsi se révèle le « dessein de son amour », autrement dit notre avenir : « Ceux que d’avance il connaissait, il les a aussi destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29).

Ainsi, par Marie, commence une nouvelle origine pour l’humanité, ou plus exactement peut réapparaître sa destinée : pas seulement une humanité qui essaie de faire la paix entre deux guerres ou entre deux disputes familiales, pas seulement une humanité qui avance cahin-caha, mais une humanité appelée à être « une multitude frères » du Fils de Dieu, c’est-à-dire de Dieu lui-même, c’est-à-dire de l’amour infini, pas de l’amour à peu-près !

Par Marie, un enfant est né. « On lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : Dieu avec nous » (Mt 1, 23). Dieu-contre-nous n’existe que dans la tête des hommes pas dans le cœur de Dieu. Merci Marie de nous donner Jésus qui vient nous l’apprendre.

St Paul dit que cela concerne « ceux qu’ils connaissaient d’avance » (Rm 8, 29). Qui sont-ils ? Peut-on imaginer un Dieu qui ferait le tri, entre un côté et un autre de la méditerranée ? Si telle est notre tentation, Jésus par ses actes et ses paroles montre le contraire. Il s’est déjoué de ceux qui voulaient se l’accaparer, opposants, pharisiens ou disciples. Jésus est Dieu pour tous.

Dans l’histoire de l’humanité, la venue de Jésus est capitale. Elle enracine la fraternité bien plus profond et bien plus loin que nous n’oserions le penser ! Etre frères et sœurs de Dieu ! Les chrétiens contemplent ce trésor. Ils veulent le mettre à la disposition de tous, et tremblent un peu devant leur responsabilité, devant leur péché aussi.

Ce soir, je remercie les autorités civiles, judiciaires, culturelles, militaires et consulaires de notre région d’avoir accepté l’invitation. Votre réponse est le signe de l’accueil bienveillant de notre mission. Nous n’imposerons pas la foi en Jésus, nous témoignerons du dessein de son amour. Nous témoignerons de l’amour infini que nous croyons présent et agissant dans tous les hommes,- donc en vous aussi. Ne nous demandez pas de renoncer à cette fraternité sans limite, ne nous demandez pas de renoncer à accueillir l’étranger ou prendre soin de l’égaré.

© Emmanuelle Lecointre FLe Pallium est tissé avec de la laine d’agneau. Il est placé sur mes épaules comme l’agneau blessé ou la brebis égarée que le bon pasteur prend sur lui et ramène à la bergerie pour la soigner, car il l’aime plus que tout.

Ce signe est donné pour que toute l’Eglise de Rouen le porte, pour que toute les Eglises en Normandie portent leur attention aux plus faibles et les introduisent dans une fraternité qui restaure leur dignité.

La fraternité, chers frères évêques de la Province, nous avons aussi à la vivre entre nous, comme nos communautés ont à en témoigner. Il n’y a pas de relations hiérarchiques entre nous, profondément parce que tel n’est pas le dessein de l’amour de Dieu pour les hommes. Nos Eglises sont sœurs. C’est un défi de donner consistance à cette fraternité ; en fait, c’est plutôt une joie que nous donne Jésus. Et notre joie grandira à chaque fois que nous regarderons ensemble le Christ, notre frère aîné, le seul bon Pasteur.

Que Marie nous entraîne dans ce regard, elle qui fut la première à regarder cet enfant qui a fait tant de bien à notre humanité, et qui charge son Eglise de continuer son œuvre : « Dieu avec nous ».

✠  Dominique  Lebrun

Archevêque de Rouen.