Cinquième dimanche de carême (A) – Cathédrale Notre-Dame de Rouen – 2 avril 2017

Cinquième dimanche de carême (A)

Cathédrale Notre-Dame de Rouen – 2 avril 2017

Lectures de la messe : lecture du livre du prophète Ézékiel (37, 12-14) ; Psaume 129 ; lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (8, 8-11) ; Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (11, 1-45)

Homélie

« Seigneur, celui que tu aimes est malade » (Jn 11, 3). Tel est le message que Marthe et Marie envoient à  Jésus. Il s’agit de Lazare. Il s’agit aussi de notre humanité.

Nous sommes malades, malades de bien des manières, parfois physiquement ou psychiquement, parfois moralement. Et la maladie, de bien des manières, nous révolte. Qui de nous n’éprouve pas un sentiment d’injustice devant la maladie, surtout lorsqu’elle semble ne pouvoir être guérie ? Et, au bout de la maladie, comme sa forme la plus radicale, se trouve la mort à laquelle nous ne pouvons pas nous habituer.

La maladie de l’humanité la plus grave est son péché, le refus de l’amour. Mensonge, égoïsme, adultère, vol effacent l’amour. C’est ce que St Paul appelle « l’emprise de la chair » (Rm 8, 8). Au bout de cette maladie, il y peut y avoir la mort quand il s’agit de meurtre. Cela est vrai du braqueur mais aussi lorsqu’un enfant à naître est éliminé ou bien lors que des malheureux périssent, rejetés dans la méditerranée ou victimes d’un attentat ou d’un bombardement.

« Celui que tu aimes est malade » (Jn 11, 3). Ces mots résonnent dans le cœur de Jésus. Marthe et Marie touchent son cœur.  Jésus sait que sa mission n’est autre que de sauver l’humanité en souffrance, en péril de mort. Jésus est saisi d’émotion, bouleversé. Jésus pleure, il prie son Père. « Voyez comme il l’aimait », disent les juifs présents (Jn 11, 36).

La vie est en Jésus : « Je suis la vie », dit-il. Elle est prête à déborder : la  vie se fait résurrection : « Moi, je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25). Le passage de la mort à la vie passe par le cœur de Jésus, par son amour.

Ste Marguerite-Marie et Saint Claude sont touchés par le cœur de Jésus : « Voici ce cœur qui a tant aimé le monde, et qui est si peu aimé », leur révèle Jésus en parlant de son cœur ouvert et meurtri. Qu’y a-t-il dans le cœur de Jésus ? Il y a toutes nos maladies et tous nos péchés, nos souffrances et notre mort ; et, en même temps, il y a surtout l’Amour par qui nos péchés sont purifiés et consumés, par qui nos souffrances et même notre mort sont emportés vers la vie. Dans le cœur de Jésus il y a l’amour consolant de Dieu. Frères et sœurs, ce n’est pas tant notre péché qui horrifie Jésus que notre indifférence devant tant d’amour : « Voici ce cœur qui a tant aimé le monde, et qui est si peu aimé ».

Contemplons le cœur aimant de Jésus, et laissons l’Esprit de Dieu consumer notre indifférence et les tentations les plus diverses. « Ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu », dit Paul (Rm 8, 8). « Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit habite en vous » (8 , 9).

Ce combat habite la vie de Ste Marguerite-Marie, de St Claude la Colombière, et tous les saints. Chacun à sa manière mais tous en cherchant à offrir leur vie par amour. Ce combat passe par le cœur de Jésus, un cœur si humain et si divin, si aimant parce que si touché par nos maladies. Le cœur de l’homme est blessé, meurtri. Il crie sa vocation à l’amour. Quand l’amour vient à manquer, l’humanité se défigure et finit par se perdre.

Choisissons l’amour, y compris dans l’adversité, c’est-à-dire dans les larmes. Rejetons l’indifférence. Acceptons d’aller avec Jésus vers ce qui sent déjà la mort, comme Jésus se rend au tombeau de Lazare « qui sentait déjà » (Jn 8, 39). Irons-nous vers nos péchés pour accueillir le pardon de Dieu ? Irons-nous nous confesser avant Pâques pour recevoir l’amour. Irons-nous vers ceux qui souffrent d’une manière ou d’une autre pour apporter la consolation ? Faisons-nous de notre aumône de carême un vrai geste d’amour ?

Frères et sœurs, en pensant à chacun de nous et à toute l’humanité, sachons dire à Jésus : « Celui que tu aimes est malade » (Jn 8, 3).

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.