Homélie Messe Fêtes de Jeanne d’Arc, Rouen, 27 mai 2017

Homélie Messe Fêtes de Jeanne d’Arc, Rouen, 27 mai 2017

(Textes de la fête : Première Lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1, 26-31) et Évangile selon saint Matthieu (16, 24-27)

IMG_2314« J’avais une fille….élevée dans la crainte de Dieu et le respect de la tradition de l’Eglise, autant que permettaient son âge et la simplicité de sa condition…Ayant grandi au milieu des champs et des pâturages elle fréquentait beaucoup l’église….et se livrait aux jeûnes et aux oraisons avec grande dévotion et ferveur, pour les nécessités alors si grandes où le peuple se trouvait et auxquelles elle compatissait de tout son cœur. »

Le témoignage de la maman de Jeanne, Isabelle Romée, à Notre Dame de Paris, lors de la cérémonie précédent le procès de réhabilitation, dit l’essentiel :

Comme les habitants de Corinthe auxquels Saint Paul s’adresse, Jeanne était de simple condition, d’origine modeste. Elle dit à plusieurs reprises qu’elle n’est « qu’une pauvre fille ». Les témoins du procès de réhabilitation parlent d’elle comme « une bonne et simple fille », « comme les autres », que rien ne distinguait. Et pourtant quelle aventure extraordinaire elle a vécu jusqu’à Rouen en passant par Chinon, Orléans, Reims, Compiègne…

Simple et bonne fille, ne sachant ni lire, ni écrire, mais préparée à sa mission par l’éducation reçue de ses parents, éducation au travail bien fait, à la vie de la communauté de son village de Domrémy, éducation à la relation à Dieu : « C’est de ma mère que j’ai appris le Notre Père, l’Ave Maria et le Crédo ». « Je n’ai appris ma croyance d’ailleurs que de ma mère. » (Cela souligne l’importance des mamans dans l’éducation de la foi des enfants)

Bien élevée, mais « d’origine modeste », comme dit Saint Paul, elle est « méprisée » par exemple par Robert de Baudricourt qui la renvoie une première fois avec une paire de gifles : « ce qui est faible, méprisé dans ce monde, ce qui n’est rien, dit Saint Paul, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages et les forts. »

Nous sommes bien là au cœur du mystère de la vocation de Jeanne d’Arc. Elle sait, elle, qu’elle doit tout à Dieu, que c’est Dieu seul qui l’a choisie : Au début, quand elle entend la voix de l’ange, elle a « grand peur. » Mais plus tard, elle dira « Je ne suis venue en France que sur l’ordre de Dieu. Dieu le commandait. Il convenait de le faire. »

Même si j’avais eu 100 pères et 100 mères, et si j’avais été fille de roi, je serais partie. » Pour elle, la volonté de Dieu est la plus forte et la conduite à vaincre toutes les embûches avec cette conviction : « Dieu donne la victoire ».

Retenons cela pour nous-même : Quand Dieu appelle et il appelle chacun de nous, il donne la force d’accomplir la mission confiée, surtout si nous nous sentons faibles et pauvres.

Pensons aux Saintes patronnes de notre pays la France : la Vierge Marie, patronne principale, fille de Nazareth, bourgade inconnue, comme Domrémy, dit n’être qu’une humble servante. Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne secondaire, fille de Normandie, mena une vie très simple, presque effacée, dans son Carmel de Lisieux, et bien sûr Jeanne d’Arc, autre patronne secondaire de notre pays.

Ces 3 femmes nous révèlent que c’est bien « grâce à Dieu » que nous sommes chrétiens, « dans le Christ Jésus » (1 Co1). « L’Esprit Saint viendra sur toi » dit l’Ange à la Vierge Marie, qui répond : « Que tout se passe pour moi selon ta Parole. »

IMG_2354Dieu fait tout si nous lui faisons réellement confiance en paroles et en actes : Jeanne faisait tout volontiers, avec bonne et ardente volonté. Dans sa foi en Dieu, elle était exemplaire, partageant avec les pauvres et priant beaucoup. Elle a pris les moyens de marcher dans les pas de Jésus. Sa vie montre qu’elle ne pensait pas à elle, mais d’abord à Dieu et aux autres. Les témoignages concordent sur son humilité. « Qui perd sa vie à cause de moi la trouvera », dit Jésus.

Perdre sa vie, c’est ne pas penser à son égo (souvent si envahissant !), mais accepter de se donner pour les autres, pour la mission, l’œuvre que nous savons bonne : pas pour soi d’abord, mais pour la collectivité, l’intérêt profond de tous !

Ce qui perd l’être humain, c’est de ne vivre que pour soi : si les individus sont égoïstes, n’ayant comme but que d’avoir toujours plus, alors la planète est pillée, les gens se jalousent et se font la guerre, l’orgueil et l’appât de l’argent, la soif du pouvoir et de domination rendent les humains divisés et agressifs entre eux dans une fuite en avant mortifère. Quelle opposition avec la parole de Sainte Thérèse, fille de Normandie, qui à 14 ans déclare : « Je décidais de m’oublier pour faire plaisir, et dès lors je fus heureuse. »

La vie nous met devant un choix précis : le repli sur soi ou le don de soi !

Ecoutons Jésus : « Celui qui veut sauver sa vie (égoïstement) la perdra, mais qui perd sa vie (en suivant l’amour de Jésus) la (re)trouvera » (dans l’éternité).

Notre monde, trop souvent divisé par les ambitions, peut retrouver l’unité et la paix, si nous le voulons vraiment.

Le temps n’est-il pas venu pour chacun de nous d’avoir l’audace de Jeanne, la foi de Jeanne ? de donner notre vie pour les autres, pour que la fraternité, la justice, le bien commun l’emportent sur le repli égoïste, la violence et la division.

Le temps n’est-il pas venu de nous laisser vraiment conduire par Dieu, comme Jeanne ? D’écouter ce que Dieu a à nous dire ?

Une modeste fille de Lorraine a réussi là où les forts et les puissants avaient échoué. Pourquoi a-t-elle réussi ? Parce qu’elle n’a pas cessé d’écouter les voix venant de Dieu. Parce qu’elle a risqué sa vie par fidélité à l’appel de Dieu jusqu’au bûcher ! Mais en criant « Jésus » au milieu des flammes, Jeanne révélait, pas seulement à ses adversaires et au peuple de Rouen, mais au monde, que sa mission venait de Dieu. Et c’est bien dans les bras de Dieu, par-delà la mort, qu’elle allait être accueillie.

« Qui perd sa vie à cause de moi, dit Jésus, la trouvera. » Telle est l’espérance qui animait Sainte Jeanne d’Arc ! Telle est l’espérance chrétienne ! Que cette espérance nous aide à nous donner nous aussi, pour le bien de tous !

+Jacques BLAQUART, évêque d’Orléans pour le Loiret