14 septembre 2017 – Centre d’Etudes Théologiques à Caen

Fête de la Croix Glorieuse
14 septembre 2017 – Centre d’Etudes Théologiques à Caen

Lectures : Lecture du livre des Nombres (21, 4b-9) ; Psaume 77 ; Evangile selon saint Jean (3, 13-17)

Homélie

« Jésus disait à Nicodème »

Ces premiers mots –l’incipit- rappellent le contexte du dialogue entre Jésus et Nicodème, car dialogue il y a.  Je souligne deux éléments du contexte avant de regarder vers le Fils de l’homme descendu et élevé de terre.

Premier élément du contexte : « Il vint trouver Jésus pendant la nuit ». Quand nous entendons Jésus, fait-il nuit ou fait-il jour ? Sommes-nous dans la nuit ou bien dans la lumière ? Il me semble que les paroles d’aujourd’hui demandent que nous soyons spirituellement dans la nuit, la nuit du monde, bien réelle en ces temps, la nuit de nos vies, plus particulièrement sombre pour certains de nos contemporains ou pour nous-mêmes, la nuit de la foi, c’est-à-dire la face de notre recherche de Dieu qui dit avec justesse que nous ne l’avons pas encore trouvé. Sinon, la théologie serait-elle encore utile ?

Deuxième élément du contexte : Jésus vient de répondre un peu sèchement à Nicodème qui l’interroge : « Tu es un maître qui enseigne Israël et tu ne connais pas ces choses-là ». Entendons, il n’y a qu’un seul maître. Je suis sûr que les professeurs du CET et les évêques le vivent. Serait-il cependant utiles que nous, les évêques, nous demandions plus souvent à Jésus de nous enseigner ? Je le crois.

La difficulté que souligne ces deux éléments est que l’enseignement de Jésus, sa lumière, a la forme de la croix prenant la place du serpent. Ni l’un ni l’autre ne sont attirants. Au fait, qu’est-ce qui vous attire au CET ? Pascaline, d’autres professeurs, le désir de répondre à un appel de l’Eglise, une curiosité intellectuelle ?

Tout cela est juste et bon. Cela mérite cependant d’être enraciné.  Accueillons le Fils de l’homme. Il nous offre non seulement une racine mais un arbre de vie, la croix : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ». Nous sommes sur cette trajectoire, la descente du ciel, la montée au ciel. Mais Jésus a l’air de dire qu’il est déjà monté : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ».

Avec la grande tradition chrétienne, il nous faut donc regarder la Croix non d’abord comme un objet ni même comme un signe. Elle est un événement, un événement conduit par l’Esprit Saint. Tel est le sujet du dialogue entre Jésus de Nicodème. « Le vent souffle où il veut … il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit ». « Comment cela peut-il se faire ? » répond Nicodème. C’est alors que Jésus parle de sa descente et de sa montée.

Ste Catherine de Sienne regarde la croix comme un événement conduit par l’Esprit Saint. Elle se demande ce qui fait tenir Jésus sur la croix ? Les clous plantés par les hommes ? Les péchés des hommes de tous les temps ? Pour elle, seul l’amour qu’elle lit dans le cœur de Jésus et dans son passage, sa Pâque, fait tenir Jésus sur la Croix.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle ».

« Dieu a tant aimé … » le croyons-nous ? « Quiconque croit en lui ? » Croire en Jésus descendu et monté ? Ne pas s’arrêter à la croix sinon le temps de laisser crucifier avec son corps nos péchés, nos obscurités, nos peurs, nos découragements, nos souffrances. Puis continuer le chemin qui, alors, peut s’appeler chemin de la croix.

Catherine de Sienne regarde les plaies de Jésus après avoir contemplé le cœur de Jésus. Elles y découvrent des premières lettrines enluminées rougeoyantes, premières lettres qui invitent à continuer d’écrire le grand livre de la vérité, dit-elle.

Etudiants, professeurs, vous cherchez la vérité. Ecrivez-la, faites-la à la suite de Jésus ! Faites-la en déroulant votre vie sous le souffle de la croix, le souffle de l’amour en y revenant à chaque fois qu’une obscurité ou un péché appelle en vous la miséricorde.

Jésus le demande à Nicodème quelques versets plus loin en lui disant : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière ». Puisse votre attachement à servir la vérité vous inviter à vous interroger souvent : ai-je fait la vérité dans ma journée, dans ma semaine, dans ma vie ?

✠  Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.