Homélie de Mgr Dominique Lebrun – Solennité de Sainte Marie Mère de Dieu

Solennité de Sainte Marie Mère de Dieu
Basilique Notre-Dame de Bonsecours – 1er janvier 2018

Lectures de la messe : Lecture du livre des Nombres (6, 22-27) ; Psaume 66 ; Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates (4, 4-7) ; Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (2, 16-21)

Homélie

« Dieu a envoyé son Fils
né d’une femme … pour que nous soyons adoptés comme fils » (Ga 4, 4-5).

Frères et sœurs, St Paul exprime, en quelques mots simples, le cœur de la foi chrétienne. Au seuil de l’année, accueillons-les pour mieux confier à Dieu notre année de chrétiens.

Accueillons-les dans la joie d’être auprès de la Vierge Marie, encore étonnés : « Tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers » (Lc 2, 18). Les plus anciens parmi nous ont peut-être grandi dans la foi sans étonnement : cela allait de soi, ou bien ont vécu de manière cachée des étonnements ! Les plus jeunes le savent d’instinct, c’est un peu fou de croire à l’Evangile : Dieu envoie son Fils, né d’une femme, soumis à la loi pour que nous soyons adoptés par Lui, Dieu, comme fils.

Huit jours après la Nativité, nous entendons ces quelques lignes du récit selon St Luc. Ce n’est pas un conte ! Le Fils de Dieu qui est Dieu lui-même naît d’une femme, comme vous et moi. Comme les nouveau-nés de son peuple, il n’a pas de prénom pendant huit jours. Il ne s’exprime que par sa présence de bébé qui dort, qui pleure, qui babille, qui prend le sein de sa Maman. Et c’est Dieu ! Et il est Dieu ! Une femme est donc la mère de Dieu ! L’humanité enfante la divinité. Etonnant ou renversant !

Huit jours après sa naissance, donc, Dieu le Fils reçoit son prénom d’enfant des hommes « Jésus » comme on reçoit une mission : Jésus veut dire « Dieu sauve ».

Dieu sait que seule la tendresse sauvera le monde, et lui donnera sa joie ; Dieu sait et a voulu que notre humanité soit son chemin pour nous dire combien il nous aime, lui notre créateur, malgré notre péché. Un bébé inspire tendresse, émotion, joie. Un bébé fait appel à ce qu’il y a de plus tendre en nous. Un bébé est aussi fragile, a besoin que tout lui soit donné. Tel est le chemin que Dieu prend pour nous sauver. Il a besoin que nous lui donnions tout !

Pendant ces jours de Noël, j’ai lu avec émotion le récit d’un moine syriaque enlevé par des combattants de Daesh pendant plusieurs mois. Sa préoccupation était de maintenir un regard, le regard chrétien, sur tous ses geôliers. Injurié, menacé, réduit à rien, le couteau littéralement sous la gorge, le Père Jacques Mourad reçoit la grâce de s’interroger : mes ennemis ne sont-ils pas aimés et sauvés par Jésus ? Ne sont-ils pas de cette humanité qui est la mienne, qui est, par Jésus, celle de Dieu ! Créée par Dieu, rejointe par Dieu dans son humanité, il n’y a aucune personne humaine qui ne puisse reprendre le chemin de l’amour. Et, à plusieurs reprises, il décida de les aimer.

Au seuil de notre année, accueillons la grâce, la beauté, la force de notre foi chrétienne : elle est vraiment étonnement devant l’amour de Dieu pour chacun, et pour tous, mais aussi elle renverse nos mauvaises habitudes de pécheurs.

Chacun peut se demander comment il a pu être associé à la bonne nouvelle dont témoignent les bergers ? Chacun d’entre nous le sait, il a rencontré des témoins, et il a le cœur éclairé par l’Esprit Saint. La foi naît de cette rencontre : celle des témoins extérieurs qui frappent nos yeux et nos oreilles, notre intelligence et notre cœur, avec la lumière intérieure donnée par l’Esprit Saint qui donne un sens à ces témoignages, en révèlent la source.

« L’Esprit Saint, dit Paul, crie dans nos cœurs « Abba », c’est-à-dire Père » (Ga 4, 6). Il affirme : c’est la preuve que vous êtes des fils, et non plus des esclaves. La prière intérieure, la prière de l’intérieur éclaire, nourrit notre foi, change notre regard, fait de nous des fils.

Souhaitons-nous une année de fils de Dieu, et donc de frères et sœurs. Le grand test de notre foi est notre capacité à être frères et sœurs. Demandons à la Vierge Marie, celle qui enfante les fils, de nous accompagner dans notre chemin d’humanité, chemin de fraternité divine. Qu’il demeure un chemin d’étonnement et de joie malgré les épreuves ! Qu’il devienne un chemin renversant de tendresse et d’amour, pour nos proches et nos lointains, pour nos familles et nos voisins.

✠ Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen.