Journée du patrimoine à Eu

Lors des journées du patrimoine, le mariage de Guillaume le Conquérant et de Mathilde de Flandres a été évoqué lors de la messe.

Voici l’homélie prononcée ce jour-là :

Nous sommes très honorés de célébrer cette messe en présence des comédiens qui nous rappellent que c’est à Eu, en 1049 ou en 1050, que se sont mariés Guillaume le Conquérant, duc de Normandie et Mathilde, la fille du Comte de Flandre.

Du point de la vue de la foi, pour parler comme Saint Jacques dans la première lecture, il faut pourtant reconnaître que ce mariage est tout sauf exemplaire !

D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’un mariage d’amour mais d’une combinaison politique comme souvent les mariages des princes et des princesses. Il arrive au terme de longues négociations dans lesquelles on n’a sûrement pas parlé d’amour et projet de couple !

Ensuite parce que ce mariage a été interdit par l’Eglise. Pour des raisons de cousinage puisque Mathilde et Guillaume descendent tous les deux de Rollon, le premier duc de Normandie, mais aussi pour des raisons politiques. Le Pape en effet n’aimait pas trop les normands dont certains avaient pris possession des environs de Rome et il redoutait l’alliance entre le duché de Normandie et le Comté de Flandre.

Surtout, parce que Guillaume et Mathilde ont désobéit au Pape en se mariant quand même, ce qui leur vaudra d’être menacés d’excommunication et le duché d’être frappé d’interdit c’est-à-dire qu’on ne pourrait plus y célébrer la messe, ni marier, ni enterrer les gens religieusement.

Du point de vue de la foi ce mariage de Guillaume et de Mathilde est donc une catastrophe. Presque l’inverse de ce que le Pape François a enseigné aux couples et aux familles à Dublin !

Heureusement pour eux et pour notre célébration de ce matin, l’apôtre Jacques nous demande de ne pas nous arrêter trop vite à l’expression extérieure de la foi mais de regarder aussi ce qu’il appelle les œuvres, c’est-à-dire ce que les gens font.

Et du point des œuvres, le mariage de Guillaume et de Mathilde est assez exemplaire dans le contexte de l’époque.

D’abord parce que ce mariage a été porteur de vie. Mathilde mettra au monde quatre garçons et cinq ou six filles… curieusement le compte est moins précis pour les filles que pour les garçons !

Ensuite parce qu’il semble que le couple ait été uni et que Guillaume ait réellement partagé le pouvoir avec son épouse. La seule dispute sérieuse qu’il y ait eu entre eux serait liée, comme cela arrive souvent, aux enfants. Mathilde soutenait financièrement son fils, Robert Courteheuse, qui s’était rebellé contre son père et Guillaume l’a mal pris !

S’ils ne se sont pas mariés par amour, Guillaume et Mathilde ont appris à s’aimer au fil de temps. Au point que, chose rare à l’époque, on ne connaît aucun bâtard à Guillaume le Conquérant !

Enfin les plus belles œuvres de Guillaume et de Mathilde se voient encore aujourd’hui et ce sont les abbayes aux hommes et aux dames de Caen qu’ils ont fait construire pour se réconcilier avec l’Eglise et témoigner de leur foi.

Même s’ils étaient loin d’être des saints, Guillaume et Mathilde illustrent bien cette importance des œuvres qui, plus que les apparences ou les paroles, témoignent des convictions profondes d’un homme et d’une femme.

Il est sans doute bon de se le rappeler dans notre temps où tout est affaire de communication et où ce qu’on dit compte plus que ce qu’on fait vraiment. Un temps où la petite phrase d’un homme politique ou d’un pape compte plus, pour le meilleur ou pour le pire, que tout ce qu’il entreprend réellement.

C’est bien par nos œuvres que notre foi est appelée à s’exprimer. Et notre foi est vaine si elle ne s’incarne pas concrètement dans nos vies.

Tous aujourd’hui sans doute nous essaierons de répondre à la question que Jésus pose à ses amis dans l’évangile : pour vous qui suis-je ?

Notre réponse sera une réponse de foi si nous nous demandons aussi ce que nous faisons concrètement pour lui et quelles sont les œuvres que nous faisons à sa suite.

Nous pourrons alors vérifier, pour en rendre grâce, que notre foi, par les œuvres, est peut-être plus vivante et plus active que ce que nous pensons parfois.

 

AMEN