« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent »

Commencent ce lundi matin, successivement et sur une durée de deux jours, les plaidoiries des parties civiles, le réquisitoire des avocates générales pour terminer par les plaidoiries de la défense.  Dans un procès, la défense a toujours le dernier mot ! Bien sûr, chacun aura à cœur, qui de chercher la réponse à ses questions, qui de défendre l’ordre public, ou ses clients en introduisant des éléments de doute, avec les talents d’orateur des uns et des autres.

Selon la définition classique et antique, la justice consiste à rendre à chacun selon son dû (suum cuique tribuere), respectant la valeur et le respect propres à chacun, en rétablissant la vérité et la raison, c’est-à-dire rétablir l’équilibre rompu par l’injustice.

La tâche est difficile, étroit est le chemin qui essaie de définir la part et le degré de responsabilités des quatre personnes impliquées dans l’attentat contre le père Jacques Hamel, surtout celle de Farid, Yassine et Steven qui sont dans le box. Il en va de la vie et de l’avenir de ces jeunes adultes. Après ces deux jours, les juges n’auront pas la tâche facile pour prononcer une sentence juste. Prions-nous l’Esprit Saint pour les avocates générales (le parquet), les avocats des parties civiles et de la défense, et surtout les juges ?

La justice est rendue pour le rétablissement de la paix. Et il y a un équilibre à tenir entre charité et vérité : la charité commence déjà par la vérité, à l’inverse la vérité sans charité peut être inhumaine. Rappelons-nous la belle encyclique Caritas in veritate (La charité dans la vérité) du pape Benoît XVI.

Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent
La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice (Ps 84).

 

 

+Père Paul Vigouroux, le 7 mars 2022.

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"Tuer au nom de Dieu est satanique" - 6e billet

Ces trois derniers jours de la troisième semaine du procès, ont lieu les interrogatoires des trois personnes impliquées dans l’attentat le 26 juillet 2016 contre le Père Jacques Hamel. Une journée complète est consacrée à chacun d’eux par la Cour d’Assises spéciale de la République, qui examinera aussi maintenant leurs motivations religieuses.

La religion, cause de haine et de guerre ? Nous connaissons bien en France cette accusation souvent faite aux religions, un monde sans religion souvent perçu comme plus pacifique, puisqu’une occasion supplémentaire de se faire la guerre aurait disparue.

Quelques jours avant la rencontre interreligieuse d’Assise en octobre 2016, donc peu de temps après la mort de notre frère prêtre, le pape François avait lancé dans une homélie à la chapelle de la maison Ste Marthe au Vatican : « Comme il serait beau si toutes les confessions religieuses disaient ‘’Tuer au nom de Dieu est satanique’’ ! ». Devant des pèlerins de notre diocèse, et en particulier notre archevêque et la famille du Père Jacques, il avait répété dans cette même homélie cette phrase une seconde fois : « Tuer au nom de Dieu est satanique ! », avant de s’arrêter longuement sur le martyre, celui du Christ, « premier martyr », celui des premiers chrétiens qui offraient leur vie en refusant d’apostasier, ajoutant le frère Jacques à cette « chaîne des martyrs ».

En 2013, il avait déjà affirmé qu’« utiliser le nom de Dieu pour justifier la violence et la haine est un blasphème ».

La religion, selon une étymologie possible, est ce qui relie Dieu et les hommes, les hommes entre eux. D’ailleurs, la croix de Jésus en est une parfaite illustration, avec ses deux poutres en bois, verticale et horizontale. Sans aller jusqu’à tuer, nous sommes peut-être parfois tentés d’utiliser la religion pour nous séparer des autres.

Le carême 2022 vient de commencer, profitons-en pour nous réajuster à un juste rapport à la religion.

 

+Père Paul Vigouroux, le 3 mars 2022.

Comprendre - 5e billet

Cette troisième semaine, au procès des personnes impliquées dans l’attentat contre le père Jacques Hamel, se poursuit l’audition de témoins présentés par la défense : amis, famille mais aussi médecins.

Entendre ce que chacun a à dire sur les personnes mises en cause : leur histoire personnelle et familiale, leur enfance peut-être douloureuse, leurs fréquentations, les lieux où ils ont grandi, les échecs scolaires, etc. ; Connaître les raisons idéologiques ou religieuses, voire politiques, qui ont conduit à commettre un attentat ; Comprendre ce qui a pu mener à d’éventuelles complicités, ainsi que les processus de radicalisation. En espérant une prise de conscience de ces personnes impliquées, un changement voire une conversion.

Nous le savons bien, et Jacques Hamel l’avait dit dans une homélie en 2010 : « Si Dieu condamne le mal, il ne rejette pas le pécheur, celui qui a commis le mal ». D’’ailleurs, lui-même avait prononcé ce « Va-t’en, Satan » au moment de l‘attentat, nommant le Mal et le dissociant de celui qui en était l’instrument.

Ces auditions sont peut-être aussi une opportunité de prendre conscience de ce qui, de notre côté, n’a pas été fait, tant individuellement que collectivement. Que n’avons-nous pas fait ? Quelles sont les structures de péché qu’il nous faut éradiquer ? Quelles attitudes nous faut-il changer ?

Et alors, elles pourraient résonner pour nous aussi comme un appel à la conversion.

 

+ Père Paul Vigouroux, le 28 février 2022.

 

Nous élever à la hauteur de l’amour de Dieu - 4e billet

Les premiers jours du procès ont été très éprouvants : Voir le visage et croiser le regard des trois hommes dans le box des accusés a suscité de fortes émotions ; Entendre le déroulement précis et méthodique de l’attentat par un officier de police et voir des images insoutenables du Père Hamel mort couché par terre dans son sang a ravivé de nombreuses plaies. Ces moments ont vraiment été très éprouvants pour les parties civiles et l’ensemble des participants à ce procès.

C’est la raison pour laquelle notre archevêque a souhaité que soit projetée, lors de son audition jeudi dernier, la photo de notre frère prêtre signée par le pape François lors du pèlerinage à Rome de quelques diocésains, dont Roseline, sœur du père Jacques, en septembre 2016, quelques semaines après l’attentat. C’est, expliquait Mgr Dominique Lebrun, ce souvenir-là du Père Jacques Hamel que nous voulons garder !

Ce temps du procès est aussi le lieu où résonne publiquement, au sein de la Cour d’Assises spéciale de la République, la réponse chrétienne à la violence, en particulier à la violence d’un fanatisme religieux.

Le Père Jacques Hamel se sentait proche de quelques figures de sainteté. Il aimait bien St François d’Assise, à qui l’on attribue cette belle prière :

Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.

Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

Ô Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.

En 2012, lors des fêtes de Pâques, le Père Jacques Hamel disait à ses paroissiens : « Croire en Jésus, c’est venir sans peur à la lumière. N’ayons pas peur de lever nos yeux vers Jésus le crucifié, mais en même temps et surtout le Ressuscité. C’est lui qui peut nous élever à la hauteur de l’amour de Dieu ».

 

+ Père Paul Vigouroux, le 24 février 2022.

Peut-on préférer les ténèbres à la lumière ? 3e billet

La première semaine d’audience à Paris s’est terminée jeudi par l’audition par la Cour d’un jeune religieux dominicain, islamologue, en poste au Caire. Ce témoignage a été suivi vendredi par un exposé sur le contexte géopolitique et sur les actions inspirées et commanditées par l’État Islamique, puis par une présentation générale de l’enquête sur l’assassinat du père Jacques Hamel.

Durant ces deux prochains jours, la Cour s’intéressera au rôle des personnes impliquées de près ou de loin dans cet assassinat.

« Peut-on préférer les ténèbres à la lumière ? » interrogeait notre frère prêtre, dans un éditorial de la feuille paroissiale de Saint-Étienne-du-Rouvray en l’an 2000. Et il poursuivait : « Non, sans doute. Mais quand nous commençons à fermer les yeux pour ne pas voir le mal du monde et sa souffrance, c’est déjà la nuit qui s’installe. C’est vrai que c’est dur de regarder. Mais à force de fermer les yeux, on ferme son cœur. Alors il n’y a plus de place pour Dieu, pour une parole de salut ».

C’est vrai que c’est dur de regarder. C’est dur aujourd’hui de regarder le mal qui a été commis au nom de l’État Islamique. C’est dur pour les proches du défunt prêtre, c’est dur pour notre diocèse, c’est dur pour notre pays de regarder ce mal là. Mais sans doute est-ce nécessaire, tant pour comprendre ce qui s’est passé, pour continuer le travail de guérison dans les cœurs blessés que pour prévenir d’autres actes de terrorisme. Sans doute est-ce nécessaire aussi pour que notre cœur ne se ferme pas.

C’est vrai que c’est dur aussi de regarder la croix, devant cette insoutenable souffrance d’un homme à l’agonie. Mesurons-nous pleinement ce qu’elle est ? Dans un regard de foi, avec l’Évangile au cœur, osons aujourd’hui regarder la croix plantée dans le monde pour y voir le Christ qui étend les bras pour embrasser toute l’humanité. C’est le don de Dieu et son amour.

Le père Jacques Hamel avait écrit que « ce regard de Foi nous sauvera. Il nous sauvera de cette impression qu’il n’y a rien à faire, que le monde est ainsi fait. Nous verrons que Dieu ne se résigne jamais au monde du péché ».

« Grâce au Christ, avait-il dit dans une prédication en février 2001, il n’est jamais rien d’irrémédiable, il y a toujours quelque chose de possible ».

+Père Paul Vigouroux, le 21 février 2022

Rencontre de Dieu, rencontres humaines - 2e billet spirituel

C’est dans la salle Voltaire du Palais de Justice de Paris, sur l’île de la Cité, que se tient depuis lundi le procès des quatre personnes impliquées dans l’assassinat du père Jacques Hamel.

Aujourd’hui ont été auditionnés la famille, les amis et paroissiens du prêtre assassiné.

Dans cette salle Voltaire – Petit clin d’œil de l’histoire ! – une des plus hautes instances de la République – une Cour d’Assises spéciale – entend un beau témoignage sur un prêtre catholique et son humble ministère paroissial.

Jacques Hamel aimait l’Église, qu’il voulait servir jusqu’au bout ; il essayait d’aimer les gens, tous les gens sans exception, manifestant dans son ministère et sa vie humble la tendresse de Dieu pour tout homme.

Quelques jours avant sa mort, le père Hamel avait dit à ses paroissiens dans son homélie dominicale : « La meilleure part, c’est donc la rencontre. La meilleure part avec Jésus, c’est de le rencontrer, lui, et de se laisser rencontrer par lui » (17 juillet 2016). Et il aimait penser que « Dieu offre sa présence non seulement dans les lieux liturgiques, mais dans toute rencontre où les yeux s’ouvrent pour reconnaître en l’autre un frère, une sœur » (26 octobre 2003) et que « toute rencontre humaine est un rendez-vous avec Dieu » (2005).

Il avait bien conscience que « Ceux qui vivent avec toi, ceux que tu rencontres et que tu n’as pas forcément choisis, Dieu les aime aussi » (5 novembre 2001).

Le bonheur, notre joie, ne se trouve pas d’abord dans le fait de posséder ce que nous aimons ou de vivre avec ceux que nous aimons, mais plutôt d’aimer ce que nous avons et d’aimer ceux avec qui il nous est donné de vivre.

 

+Père Paul Vigouroux, le 17 février 2022.

Justice de Dieu, Justice des hommes - 1er billet spirituel

Aujourd’hui s’ouvre à Paris le procès des personnes impliquées dans l’assassinat du Père Jacques Hamel, un procès qui devrait durer au moins quatre semaines.

St Paul écrivait aux Romains : « Ne rendez à personne le mal pour le mal ; Ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes. Car il est écrit : À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien ».

D’un côté, il y a la justice de Dieu, dont nous savons qu’elle est toujours appel à la conversion, la « vengeance de Dieu », laquelle ne nous appartient pas. C’est un peu celle que nous essayons de vivre quand nous tendons la seconde joue après que la première a été frappée ; quand nous tendons la main du pardon et de la réconciliation ; quand l’Évangile convertit la haine de notre cœur ; quand nous sommes vainqueurs du mal par le bien. Peut-être que la vengeance de Dieu, c’est l’amour en réponse à la haine ! C’est l’amour qui va jusqu’au bout, c’est le Christ qui livre sa vie pour les pécheurs que nous sommes afin de nous rendre justes.

Aujourd’hui, à Paris, s’ouvre le temps de la justice des hommes. Non pas tant pour se venger ou condamner, mais en vue de définir les responsabilités des uns et des autres dans la mort du Père Hamel. Les quatre personnes dans le box des accusés ont le droit de savoir ce que la société leur reproche ; les familles des victimes ont elles aussi le droit de savoir qui est responsable de quoi dans cet acte de terreur commis le 26 juillet 2016.

Notre prière de ce jour, c’est que cela se fasse en vue de la conversion des cœurs et d’un appel à une vie en société fondée sur une plus grande fraternité. C’est que, de ce Mal, jaillisse un bien plus grand.

+Père Paul Vigouroux, le 14 février 2022.

En images © Diocèse de Rouen

Me Catherine Fabre, avocat du diocèse
et Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen – Palais de justice – Paris

Roseline, sœur du père Jacques Hamel

Palais de justice – Paris

M. Guy Coponet, deuxième victime de l’attentat du 26/07/2016

LE PÈRE JACQUES HAMEL DISAIT :

Prochaine veillée de prière : vendredi 25 février à 19h

sur Paroisse Saint-Etienne-du-Rouvray